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Page:Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 69.djvu/803

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la plus courte, la voie de la Perse par Téhéran et Meshed. On fut bientôt informé que le général Zélénoï, tombé malade, ne pourrait arriver avant le 1er janvier ; la commission anglaise se fractionna aussitôt en plusieurs groupes, qui entreprirent dans tout le pays une série d’explorations topographiques.

Les deux commissions ne devaient jamais se rencontrer et commencer leur œuvre commune. A peine le gouvernement anglais s’était-il résolu à accepter la proposition russe, qu’une activité fébrile s’était emparée de tous les commandans afghans de la région frontière : tous les avant-postes avaient été portés fort en avant dans la direction du nord, et le 16 juin 1884 une troupe partie de Bala-Mourghab était arrivée soudainement à Penjdeh. Le district de Penjdeh est situé entre le Mourghab et le Koushk, tout près de leur confluent, et comprend, comme son nom l’indique, cinq villages dans lesquels hiverne le gros de la tribu des Saryks. M. de Giers protesta, dès le 23 juin, contre ces procédés irréguliers et particulièrement contre l’occupation de Penjdeh et l’expulsion des Saryks ; mais ces protestations n’ayant produit aucun effet, le cabinet de Saint-Pétersbourg ne voulant pas qu’on put préjuger de cette façon l’œuvre de la commission mixte et opposer à ses commissaires des faits accomplis, donna ordre aux généraux russes d’avancer à leur tour vers le sud jusqu’à ce qu’ils se trouvassent en face des avant-postes afghans. C’est ainsi que, dans la vallée de l’Hériroud, les Russes s’avancèrent de Sarakhs à Poul-i-Katoun et poussèrent même jusqu’à Zulficar : dans la vallée du Mourghab, le général Komarof se porta lui-même avec quelques troupes d’infanterie et de l’artillerie jusqu’à Poul-i-Khisti afin de pouvoir soutenir les Cosaques qu’il avait envoyés à Sari-Yazi pour protéger les Saryks contre les Afghans, qui se maintenaient à Ak-Tapa, en avant du Koushk et à Penjdeh.

On sait le redoublement d’inquiétude que ces mouvemens de troupes causèrent dans toute l’Europe : pour calmer ces inquiétudes et surtout prévenir des collisions sanglantes, les deux gouvernemens convinrent qu’il fallait que, de part et d’autre, on s’abstint de dépasser les positions déjà occupées, et le 16 mars, le gouvernement russe avisa le cabinet de Londres par le télégraphe qu’il envoyait des ordres en ce sens à ses généraux et demanda que des ordres semblables fussent donnés aux forces afghanes. Mais déjà, depuis plusieurs semaines, M. de Giers, qui avait eu connaissance des instructions générales données à sir Peter Lumsden et qui était tenu au courant de la conduite de divers membres de la commission anglaise, avait jugé que la commission mixte ne pouvait aboutir à aucune solution satisfaisante, à moins que le