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septembre. La même pratique est suivie en Allemagne, où trois mois s’écoulent entre le départ d’une classe et l’appel de celle qui la remplace. Le service de trois ans n’est donc qu’un service de trente-trois mois.

En Allemagne, ce service n’est pas imposé à tout le monde. Au bout de deux ans, les meilleurs soldats, environ vingt par compagnie, obtiennent comme récompense le « congé du roi. » Dans le débat sur la loi de 1885, la même idée a été soutenue et ses défenseurs l’ont faite française par le développement logique qu’ils lui ont donné. Selon eux, la durée du service est calculée sur l’aptitude moyenne des hommes à apprendre. Il est juste de l’abréger pour ceux qui déploient une promptitude plus grande, et comme ces mérites exceptionnels ne peuvent être connus d’avance, on ne saurait fixer sans arbitraire ni le nombre des hommes qui seront formés, ni le temps après lequel ils le seront. Il a donc été proposé que chaque année des examens fussent passés par tous les soldats, et que tous les soldats instruits fussent libérés soit après leur seconde, soit après leur première année. Sans doute, les auteurs du projet n’ont pas plus triomphé que n’avaient triomphé en 1872 les défenseurs du service de trois ans[1] : mais le temps travaille pour les uns comme il a conspiré pour les autres. Rien de plus simple que de proportionner la durée de l’enseignement aux progrès accomplis par ceux qui le reçoivent. Refuserait-on le privilège accordé autrefois à la fortune et à l’éducation ? Pourquoi pas des libérés d’un an, après les volontaires d’un an ? Et comment le délai serait-il trop court pour faire avec les uns des soldats, puisqu’il permettait aux autres de sortir avec les galons de sous-officiers ?

Et si l’intelligence et le zèle sont encore une aristocratie qu’on refuse de favoriser par un traitement d’exception, n’est-ce pas à tous et par mesure générale qu’il faut appliquer le service d’un an ? N’y a-t-il pas à l’heure présente dans l’armée des hommes, la plupart sans culture, et peut-être les moins instruits des Français, qui, en moins de temps, achèvent leur école militaire ? Les fusiliers et les canonniers de la marine passent pour connaître leur métier : les cours où ils l’apprennent durent huit mois. Preuve vivante qu’avec une bonne méthode une année suffit à tout le monde pour se former aux exercices d’infanterie et au tir des pièces. Elle ne suffit pas, il est vrai, pour dresser à l’équitation et par suite pour former l’artillerie de campagne et la cavalerie. Mais cette difficulté

  1. L’amendement de M. de Lanessan, qui proposait l’examen annuel avait été pris en considération le 12 juin 1884 par 305 voix contre 281, il a fallu toute l’influence du ministre de la guerre pour le faire repousser par 293 voix contre 201, dans la séance du 14 juin.