Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 70.djvu/182

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

commutation de peine. A plus forte raison appréhendent-ils que la présence de Français aux îles Hébrides ou d’Allemands à la Nouvelle-Guinée n’ait pour conséquence une surveillance incommode et n’assure aux malheureux indigènes de cette région équatoriale des patrons moins rapaces et moins cruels.

Les craintes que les Australiens feignent d’éprouver pour leur sécurité à cause de la fondation d’établissemens européens dans des îles séparées de leur continent par plusieurs centaines de lieues sont de purs prétextes ; ce qu’ils redoutent, en réalité, c’est une concurrence qui leur rendrait plus difficile et plus onéreux le recrutement des travailleurs indigènes. Une preuve évidente en est que les colonies de Victoria et de l’Australie occidentale se montrent assez indifférentes à la question qui passionne les planteurs du Queensland. Ce sont ceux-ci qui ont projeté tout d’abord l’annexion de la Nouvelle-Guinée tout entière : c’est par eux que des demandes incessantes dans cette intention ont été adressées à la métropole. Le gouvernement anglais n’a point, à cet égard, une entière liberté d’action. Il est lié par le traité qui a été conclu entre l’Angleterre et la Hollande après la chute de Napoléon et la constitution du royaume des Pays-Bas. La Hollande a cédé à l’Angleterre tous les droits que les explorations de ses grands navigateurs lui avaient donnés sur l’Australie entière, la Tasmanie, la Nouvelle-Zélande et les îles adjacentes : en retour, l’Angleterre a restitué à la Hollande les établissemens des îles de la Sonde, dont elle s’était emparée pendant la guerre ; et elle a reconnu la souveraineté de la Hollande sur toutes les îles et portions d’îles situées à l’ouest du 141e degré de longitude, sans en excepter la Nouvelle-Guinée. Les droits de la Hollande sur la partie occidentale de cette grande île reposent donc sur une prise de possession régulière, sur les relations commerciales constantes entre les habitans de cette partie de l’île et les établissemens hollandais des îles de la Sonde, sur les droits incontestables du sultan de Tydore, qui reconnaît la suzeraineté de la Hollande, et enfin sur un engagement solennel contracté par l’Angleterre de ne former aucun établissement dans la Polynésie, à l’ouest du 141e degré pris comme commune limite des possessions coloniales des deux nations. L’Angleterre, en contractant cet engagement, a cru avec raison ne pas acheter trop cher la possession incontestée de l’immense continent australien. Depuis lors, le gouvernement anglais n’avait fait aucun essai de colonisation dans la partie demeurée libre de la Nouvelle-Guinée, préférant que le courant de l’émigration se dirigeât exclusivement sur l’Australie. Tous les explorateurs, et notamment l’Italien d’Albertis, qui y a séjourné plusieurs années, s’accordaient à présenter l’intérieur de