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Page:Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 70.djvu/183

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l’ile comme une région insalubre, d’une fertilité médiocre et habitée par une population anthropophage. Les officiers de marine estimaient que la côte méridionale de l’Ile présentait seule quelque intérêt pour assurer à l’Angleterre la possession des deux côtés du détroit de Tories ; mais le gouvernement s’était borné à protéger les établissemens que des missionnaires avaient formés à Port-Moresby et sur quelques autres points de cette partie de l’ile ; il jugeait inutile d’aller plus loin et de fournir un prétexte au renouvellement des plaintes que l’annexion des iles Fidji avait soulevées de la part des nations maritimes.

Inutile précaution, car une autre nation avait jeté les yeux sur ce vaste territoire. Le 11 novembre 1880, le président de la Compagnie allemande de la Mer du Sud. M. Hansemann, adressait à M. de Bismarck, un mémoire dans lequel il appelait l’attention du chancelier sur le parti qu’on pouvait tirer de la station navale déjà établie par l’Allemagne à Mioko, dans l’Ile du Duc-d’York. « De Mioko, disait le mémoire, la Compagnie pourrait occuper la côte nord de la Nouvelle-Guinée, en créant des comptoirs commerciaux sur tous les points favorables depuis lu cap de l’Est jusqu’au 141e degré de longitude ; en même temps, d’autres ports seraient acquis des indigènes pour servir de dépôts de charbon à la marine allemande. » M. de Bismarck ne répondit à ce mémoire que le 15 février 1881, en exprimant le regret de n’y pouvoir donner suite : Il ne pouvait, disait-il, encourager des entreprises coloniales de cette nature qu’autant qu’il se sentirait soutenu par la nation ; or le rejet de la demande de subvention soumise au parlement pour les relations à établir avec les Iles Samoa lui avait prouvé qu’il n’en était pas ainsi. Il donnait toutefois à la Compagnie l’assurance que la protection des agens consulaires et de la marine de l’empire ne lui manquerait pas. Malgré ce refus du chancelier, la presse allemande continua de s’occuper de cette question : un article de la Gazette d’Augsbourg sur la nécessité de prendre possession de la Nouvelle-Guinée parvint en Australie en février 1883, fut traduit par le Morning Herald de Sydney et souleva une véritable tempête dans toute la presse australienne. Ce ne fut qu’un concert de protestations contre les projets ambitieux de l’Allemagne, suivi d’un pétitionnement pour demander à la métropole de procéder à une annexion immédiate. On ne s’en tint pas à des pétitions. Sur l’ordre formel de sir Thomas M’llwraith, premier ministre du Queensland, M. Chester, juge de police à Thursday-Island, aborda à la Nouvelle-Guinée le 4 avril 1883, y fit arborer le drapeau anglais et déclara toute la portion orientale de l’ile et les archipels qui en dépendent annexés aux possessions de la couronne britannique. Les autorités du Queensland n’avaient aucunement qualité pour agir au