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nom de la couronne et en dehors du gouvernement métropolitain. Lorsque la nouvelle de cet acte irrégulier parvint en Angleterre, le ministre des colonies, lord Derby, s’empressa de désavouer ce qui avait été fait à son insu. Il en exposa les motifs, le 2 juillet 1883, à la chambre des lords, en ajoutant à ses explications que « toute tentative de la part d’un autre gouvernement de former un établissement sur la côte de la Nouvelle-Guinée serait considérée par l’Angleterre comme un acte contraire à l’amitié (unfriendly). » Le 11 juillet suivant, en faisant connaître officiellement aux autorités australiennes la détermination du gouvernement, lord Derby écrivait : « L’appréhension qui règne en Australie qu’une puissance serait sur le point de s’établir sur les côtes de la Nouvelle-Guinée paraît avoir été tout à fait vague et dépourvue de fondement. » M. Gladstone fut appelé, le 18 août, à s’expliquer sur le même sujet devant la chambre des communes, et, en réponse à une question, il ajouta : « Nous n’avons aucun motif quelconque d’appréhender de la part d’aucun gouvernement l’intention d’élever de nouvelles prétentions à l’égard de cette île et d’y former des établissemens. » Un autre défenseur des Australiens, M. Mac-Farlane, insista et demanda « si la chambre devait conclure des paroles du premier ministre que des gouvernemens étrangers avaient donné au gouvernement de Sa Majesté des assurances qu’ils n’annexeraient point une île aussi voisine des colonies australiennes. » M. Gladstone reprit la parole et fit cette réponse, qui lui est aujourd’hui amèrement reprochée : « Je puis dire à l’honorable gentleman que l’affirmation qu’il n’y a aucun motif d’appréhender, de la part d’aucun gouvernement étranger, la moindre intention d’annexer la Nouvelle-Guinée ne repose en aucune façon sur des données purement négatives. »

Malgré ce qu’il y avait de rassurant dans ces affirmations, destinées à recevoir des événemens un complet démenti, le désappointement fut très vif en Australie. Les colonies redoublèrent d’instances auprès du gouvernement pour qu’il se décidât à accomplir lui-même cette annexion tant souhaitée. Lord Derby s’y montrait peu disposé ; il consentit seulement à détacher du commissariat-général des îles Fidji un sous-commissariat de l’ouest du Pacifique, comprenant la Nouvelle-Guinée, et à confier la surveillance des intérêts anglais dans ce sous-commissariat à M. Romilly, qui reçut ordre de se rendre immédiatement à son poste et d’y réunir les élémens d’un rapport sur le climat, les richesses naturelles et la valeur commerciale de la partie de la Nouvelle-Guinée située à l’est du 141e degré. Vaincu par les instances des Australiens et des défenseurs qu’ils avaient en Angleterre, lord Derby adressa, en mai 1884, aux gouverneurs des cinq colonies une dépêche dans laquelle il se déclarait