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paysage algérien une ruine habilement reconstituée ; ce sont les clochers de la Belgique, qui, dans une série curieuse, profilent sous des cieux moins démens leurs silhouettes élégantes ; ce sont des croquis de voyage qui font repasser sous nos yeux les aspects familiers de Pérouse ou de Sienne, de Florence ou de Rome. Toute cette école d’architectes est intéressante à suivre : elle établit magistralement que la science et l’exactitude ne sont pas pour nuire à l’effet et qu’il est possible d’exécuter, en restant dans la vérité, des dessins très agréables. Mais est-ce bien là une exposition d’architecture ? .. L’auteur dramatique qui aurait passé sa vie à composer des drames, à les écrire avec des caractères connus de lui seul, que seul il pourrait déchiffrer, et qui n’aurait jamais tenté de faire vivre sa pièce devant la rampe, d’en étudier les effets sur lui-même et sur le public, nous paraîtrait ressembler assez à nos architectes contemporains.

S’ils veulent conquérir la faveur du public au Salon, s’ils veulent qu’on s’intéresse à leur art, s’ils veulent connaître eux-mêmes le fort et le faible du métier, qu’ils suivent d’illustres exemples, qu’ils nous donnent et se donnent à eux-mêmes la réalisation de leurs projets. Nous savons, bien que le Palais de l’Industrie, même avec de fortes annexes, serait insuffisant à contenir tous les monumens édifiés chaque année sur le papier par nos architectes ; mais si quelques-uns au moins essayaient une réduction heureuse, nous croyons qu’ils n’auraient perdu ni leur temps ni leurs peines. Il existe encore au Panthéon, une réduction du Panthéon que Soufflot n’avait pas dédaigné d’exécuter, et nous nous rappelons d’avoir vu, il y a une vingtaine d’années, au Salon, l’Opéra de M. Charles Garnier, très entouré par la foule. Elle voyait l’œuvre ; elle l’examinait ; elle en appréciait les proportions harmonieuses ; elle en admirait les heureux détails. Nous ne croyons pas que cette exposition ait nui au célèbre architecte. Sans doute, l’effort sera rude, la dépense considérable ; nos jeunes architectes, pas plus que nos jeunes peintres, pas plus que nos sculpteurs, ne sont gens fortunés ; mais sont-ils plus malheureux ? Si nous insistons sur cette idée, c’est que nous pensons beaucoup de bien de notre jeune école d’architecture ; ce qui lui manque, à notre sentiment, c’est l’habitude de l’exécution. Peut-être convient-il de chercher dans ce vice primordial la cause de tous les déboires des constructeurs modernes, et, disons-le d’un mot : le manque de style de notre architecture contemporaine.

Deux parts pourraient être faites à l’architecture au Salon. L’une, purement scientifique et archéologique, continuerait la grande tradition romaine et présenterait au public savant ces