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REVUE LITTERAIRE

LE PESSIMISME DANS LE ROMAN

Cruelle Énigme, par M. Paul Bourget. Paris, 1885 ; A. Lemerre. — Bel-Ami, par M. Guy de Maupassant. Paris, 1885 ; V. Havard.

Le mois qui vient de finir n’a pas été bon pour les pessimistes : deux hommes d’âge, d’expérience et de poids, normaliens tous les deux, M. Dionys Ordinaire et M. Francisque Sarcey, les ont pris à partie, celui-ci plus paternellement, selon son ordinaire, mais celui-là bien plus éloquemment, et avec moins de précautions. Je ne vois pas clairement les effets que leurs conseils opéreront. Mariez-vous, dit M. Sarcey ; prenez des douches, dit M. Ordinaire ; élevez vos enfans, continue l’un ; soignez votre cave, reprend l’autre ; courez sus au cléricalisme, ajoute le vétéran de la critique dramatique ; et songez quelquefois à M. Gambetta, c’est le dernier mot du député du Doubs. Ces conseils sont honnêtes et ne paraissent pas impraticables. Reste seulement à savoir s’ils guériraient nos pessimistes, ou même si vraiment nous devons leur souhaiter de guérir, et c’est ce que M. Francisque Sarcey comme M. Dionys Ordinaire ont oublié d’examiner. Car, en vérité, voudriez-vous, M. Dionys Ordinaire et M. Francisque Sarcey voudraient-ils bien eux-mêmes que Musset, par exemple, eût été plus heureux en amour, ou George Sand en ménage ? Comme autrefois cette affection que l’on appelait alors le mal du siècle, et dont il procède pour une large part, ne se pourrait-il pas que le pessimisme fût ou devint un