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Page:Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 70.djvu/243

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Reste maintenant à savoir ce que fera ce ministère, qui, à coup sûr, n’arrive point aux affaires dans des conditions aisées. Si les libéraux ont leurs dissentimens intimes, qui ont probablement contribué à précipiter la dernière crise, les conservateurs eux-mêmes ne sont pas sans avoir leurs embarras et leurs divisions, leurs conflits de direction. Un des plus jeunes chefs du torysme, lord Randolph Churchill, qui va faire son apprentissage du gouvernement, a montré jusqu’ici un esprit assez agité, une ambition un peu impatiente, un peu remuante. Il prétend, à ce qu’il semble, être plus libéral que les libéraux et rajeunir son parti par une certaine dose de démocratie. Il se croit appelé à tout renouveler. C’est lui, dit-on, qui aurait tenu à faire passer le vieux leader conservateur, sir Stafford Northcote, à la chambre des pairs, pour garder, avec son ami le nouveau chancelier de l’échiquier, sir Michael Hicks Beach, la direction de la chambre des communes. Il va faire son expérience ! Un premier ministre d’autrefois, lord Melbourne, n’était pas sans inquiétude quand il voyait un de ses jeunes collègues de ce temps-là, lord John Russell, se lancer à l’improviste dans un débat ; il craignait toujours, c’était son expression familière, que lord John ne fit chavirer la barque ministérielle. C’est à lord Randolph Churchill de ne pas faire chavirer la barque du torysme à peine remise à flot ; mais, dans tous les cas, en dehors de ces embarras intimes qui peuvent avoir leur importance, le nouveau ministère a certainement d’assez sérieuses difficultés devant lui. Il n’a pas seulement l’Irlande, qui est l’éternelle épreuve de tous les partis ; il a toutes ces questions extérieures de l’Egypte, de l’Afghanistan, des relations de l’Angleterre avec le continent, qui sont un héritage assez embrouillé et assez lourd. Il est certain que les conservateurs revenant aujourd’hui au pouvoir retrouvent les affaires extérieures de l’Angleterre dans des conditions assez différentes de celles où les avait laissées lord Beaconsfield au lendemain du congrès de Berlin.

Il y a des questions compromises pour eux, il y a des négociations qu’ils sont obligés de continuer, des mesures à demi exécutées, comme l’évacuation du Soudan, qu’ils ne peuvent rétracter. En un mot, la politique extérieure de l’Angleterre n’est plus absolument libre sur certains points. La difficulté pour le nouveau ministère est d’accepter purement et simplement la suite des affaires des libéraux ou de revenir sur ce qui a été fait, comme aussi de se délier de ses propres engagemens, d’oublier les déclarations qu’il a multipliées quand il était l’opposition. Pour l’Egypte, sur laquelle il aurait certainement des vues plus hardies que M. Gladstone et lord Granville, il ne peut guère prendre de résolutions décisives sans rencontrer l’Europe, qui ne parait pas disposée à abandonner ses droits, dont il est obligé de tenir compte. Pour l’Asie et l’Afghanistan, il est exposé à trouver la Russie résolue à maintenir avec sa fermeté tranquille les prétentions qu’elle