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a élevées, qu’elle avait presque réussi à faire accepter par le dernier cabinet. Lord Salisbury voulût-il, comme on lui en attribue la pensée et le désir, essayer de se faire un allié de M. de Bismarck, il est douteux qu’il puisse pour le moment obtenir du chancelier d’Allemagne rien de plus qu’une bonne volonté assez platonique. Comment le nouveau ministère anglais sortira-t-il de tous ces embarras et réussira-t-il à se dégager victorieusement de la situation qui lui a été léguée ? Le problème est d’autant plus compliqué pour lui, qu’en prenant le pouvoir dans des conditions assez précaires, il ne l’exerce pour ainsi dire que d’une façon provisoire. Il n’a devant lui qu’un temps limité. Tout dépend, pour les conservateurs comme pour les libéraux, de ces élections qui se feront dans quelques mois, qui restent un grand inconnu pour la nation anglaise, précisément parce qu’elles vont donner la parole à deux millions d’électeurs de plus. Et c’est ainsi que les derniers incidens ont bien pu se dénouer par un changement ministériel sans rien décider pour la direction définitive de la politique britannique.

Jusqu’à quel point la crise ministérielle anglaise se lie-t-elle à la crise ministérielle qui s’est produite il y a quelques jours en Italie ? À part toutes les différences de situation qui existent entre les deux pays, il peut y avoir, si l’on veut, un lien entre les deux crises en ce sens que les affaires d’Égypte ne sont certainement pas étrangères à tout ce qui s’est passé à Rome comme à Londres. Évidemment l’Italie a eu des illusions sur l’Égypte, comme elle a eu des illusions dans quelques autres circonstances où elle a voulu, pour ainsi dire, donner de l’air à sa politique extérieure. Au milieu de ce mouvement d’expansion coloniale qui a un instant tourné toutes les têtes, l’Italie s’est flattée, elle aussi, de prendre un rôle sur la Mer-Rouge, et le ministre des affaires étrangères, M. Mancini, a cru sûrement être un politique habile en cherchant le moyen de satisfaire un certain instinct d’ambition nationale. Il s’est fait l’allié des Anglais pour aller en Égypte comme il avait déjà précédemment cherché d’autres alliances à Berlin et à Vienne. L’Italie a même envoyé un corps expéditionnaire sur les bords de la Mer-Rouge, et un instant elle a pu se croire tout près de marcher avec l’Angleterre, de concourir à une campagne dont elle recueillerait les fruits. Malheureusement, les illusions n’ont pas tardé à se dissiper et les mécomptes sont venus. Les Anglais se sont retirés, renonçant à leur campagne sur le Haut-Nil ; les soldats italiens sont restés dans leurs postes de la Mer-Rouge, un peu embarrassés de leur rôle, soumis à des influences de climat qui les ont éprouvés, ne sachant plus trop ce qu’ils avaient à faire. Ce n’était point évidemment ce qu’on avait espéré. M. Mancini a commencé à passer pour un ministre de plus d’imagination que de prévoyance, et il a été l’objet d’assez vives attaques de l’opposition, des anciens modérés, aussi bien que de la gauche représentée par M. Crispi, M. Cairoli, M. Nicotera. Il a été assailli d’interpellations,