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Page:Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 70.djvu/329

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militaires de l’Angleterre. On doit comprendre que lord Derby fut peu soucieux d’étendre un protectorat aussi onéreux : il laissait sans réponse les pétitions des rois nègres ; puis il leur faisait annoncer l’envoi d’une réponse qui ne venait pas ; puis il les faisait inviter à s’arranger avec le consul anglais, qu’il s’empressait de mettre en congé ou qu’il retenait à Londres. Il recourait à ces procédés dilatoires avec d’autant plus de sécurité que, depuis les conventions conclues avec la France et le Portugal, en juin 1882, il croyait l’Angleterre à l’abri de toute concurrence.

Or, une concurrence s’organisait silencieusement, autrement active et dangereuse que tout ce qu’on aurait pu tenter à Paris ou à Lisbonne. A peine la convention de juin 1882 était-elle livrée à la publicité que, le 15 avril 1883, le comte Halzfeldt faisait demander aux sénats des villes hanséatiques s’ils n’avaient aucun vœu à exprimer quant à la protection à étendre sur leur commerce et sur leurs comptoirs de la côte occidentale d’Afrique. La ville de Lübeck répondit qu’aucun de ses citoyens n’avait de factorerie sur cette côte. Brème demanda qu’un bâtiment de guerre allemand fût maintenu en croisière, de Danaé à Lagos, devant une côte sur laquelle ne flottait aucun pavillon européen, afin d’inspirer aux peuplades de ce littoral le respect du nom allemand, et que des traités fussent négociés avec les chefs de ces peuplades afin de procurer plus de sécurité aux opérations commerciales. Le sénat de Hambourg envoya un long mémoire dont l’étendue se justifiait par l’importance des comptoirs que les maisons de cette ville avaient fondés le long de la côte, à l’abri des divers pavillons européens. Ce mémoire concluait à l’établissement d’un consulat allemand à la côte d’Or, à la négociation de conventions avec la France et l’Angleterre pour assurer la protection de ces puissances aux Allemands qui trafiqueraient dans leurs possessions, à l’obtention de traités avec les chefs indigènes, à la neutralisation des bouches du Congo et des territoires adjacens, à la création d’une station navale permanente à Fernando-Po, et à l’acquisition d’une bande de territoire dans la baie de Biafra, afin d’y fonder un comptoir et une colonie.

Par les desseins qu’il fit naître dans l’esprit de M. de Bismarck, ce mémoire du sénat de Hambourg peut être considéré comme l’origine de la conférence qui s’est réunie à Berlin, dans l’hiver de 1884. L’objet apparent de cette conférence a été de neutraliser le bassin du Congo ; mais le chancelier avait surtout pour but de faire reconnaître par les puissances maritimes les acquisitions récentes de l’Allemagne sur la côte occidentale d’Afrique et, sous prétexte de réglementer, pour l’avenir, l’appropriation des territoires encore inoccupés, de restreindre dans la pratique les prétentions de