Page:Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 70.djvu/351

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

leur est toujours faite dans la constitution des ministères et, si leur influence n’est pas absolument prépondérante, elle se fait constamment sentir. Aux États-Unis, au contraire, les catholiques, bien qu’au nombre de sept à huit millions, sont frappés d’un véritable ostracisme politique ; les protestans les écartent systématiquement, non-seulement du congrès, mais des assemblées et des administrations locales. L’annexion aux États-Unis serait donc, pour les catholiques canadiens, le prélude d’une véritable déchéance.

Le Canada se préoccupe des difficultés et des dangers que peut lui créer la position qu’il occupe entre des voisins ambitieux et puissans et une métropole trop éloignée et, au point de vue militaire, trop faible pour lui donner une assistance efficace. Les forces anglaises dans la colonie se réduisent uniquement aux 2,000 hommes qui forment habituellement la garnison de la forteresse d’Halifax ; mais le Canada s’est efforcé de pourvoir par lui-même à sa défense. Il a organisé, sous le nom de milice active, une armée régulière de 45,000 hommes, officiers compris, qui se compose, en premier lieu, d’enrôlés volontaires qui contractent un engagement de trois ans et, en second lieu, de conscrits désignés par le sort dans la première classe de la milice de réserve et qui doivent le service pendant deux années. La réserve comprend tous les hommes valides de dix-huit à soixante ans ; elle est divisée en quatre classes suivant l’âge et la condition : les célibataires et veufs sans enfans, de dix-huit à trente ans, composent la première classe et ceux de trente à quarante-cinq la seconde ; on range dans la troisième les hommes mariés de dix-huit à quarante-cinq ans, et dans la quatrième tous les hommes de quarante-cinq à soixante ans. La réserve comprend, on le voit, toute la population mâle en état de porter les armes ; aussi s’élevait-elle, dès 1880, à 655,000 hommes et son effectif s’accroît avec le progrès de la population. Il a été établi six écoles d’artillerie : deux dans chacune des provinces d’Ontario et de Québec, une dans le Nouveau-Brunswick et une dans la Nouvelle-Écosse ; on a créé également à Kingston un collège militaire sur le modèle de notre Ecole de Saint-Cyr. Faut-il en faire honneur à l’origine française d’une partie notable de la population et aux qualités militaires de notre race ? Cette armée, qui n’a eu d’autres occasions de faire ses preuves qu’en dispersant des rassemblemens ou en réprimant quelques soulèvemens des tribus indiennes, ne parait point sans valeur. L’insurrection récente des Sang-Mêlés, qui a pris un moment des proportions alarmantes, a mis à l’épreuve les institutions militaires du Canada. On a été frappé, aux États-Unis, de l’activité et de l’énergie déployées par le ministre de la guerre, M. Caron, dont le nom trahit suffisamment l’extraction française. En constatant la rapidité avec laquelle l’insurrection a été étouffée, un journal américain, voisin de la