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frontière canadienne, les News, de Détroit, ajoutait : « L’œuvre accomplie par les troupes canadiennes est de celles dont l’armée d’une puissance quelconque sur terre pourrait se faire honneur. » Un journal de Saint-Louis, le Républicain, a dit de son côté : « Au point de vue militaire, la rébellion de Riel a révélé ce fait qu’en quinze jours, le ministre canadien a pu mettre sur pied des forces organisées avec de la cavalerie, leur a assuré des moyens de transport jusque sur le théâtre des hostilités, à une distance de 2,000 milles, et a pu porter trois colonnes, très éloignées l’une de l’autre, jusqu’à 500 milles de la voie ferrée. Il a tenu ses troupes abondamment approvisionnées, et a si bien protégé une immense frontière qu’après l’arrivée des troupes, les rebelles n’ont pu rien entreprendre que contre des familles isolées. » Le journal américain fait ressortir, à l’honneur de M. Caron, que la soudaineté de la rébellion, l’inclémence de la saison et les énormes distances à franchir ajoutaient singulièrement aux difficultés de sa tâche. Le Canada ne serait pas en état de résister à une invasion de la part des États-Unis ; mais il dispose déjà de forces suffisantes pour assurer son indépendance le jour où il voudrait briser les derniers liens qui l’attachent à l’Angleterre.

Il n’y songe point encore parce que ces liens sont trop légers pour lui peser. Quelques habitans des provinces éloignées, ceux du Manitoba particulièrement, atteints par les droits exorbitans dont les États-Unis ont frappé les grains et les farines du Canada, ont pu envisager l’annexion comme le moyen le plus simple de se soustraire aux effets du tarif américain, mais leurs intérêts recevront sans doute satisfaction par l’exécution du chemin de fer Transcontinental-canadien, qui doit relier les deux océans, qui touche déjà à leur territoire, et qui offrira à leurs céréales une voie moins dispendieuse vers l’Europe. D’autres envisagent comme une solution préférable une union douanière avec les États-Unis, qui soumettrait à un régime fiscal uniforme l’Amérique du Nord tout entière. L’obstacle ne vient pas de l’Angleterre, qui a reconnu au Canada le droit de conclure des traités de commerce particuliers : il vient des États-Unis, où les jeunes états de l’Ouest appréhendent la concurrence des fermiers canadiens, contre lesquels ils ont fait édicter le tarif actuel. Pour que le Canada prit rang parmi les nations indépendantes, il lui suffirait de remplacer par un président électif le vice-roi nommé par la reine ; mais ce n’est point la politique qui déterminera ce changement, auquel l’Angleterre n’a ni la force ni la volonté de s’opposer. Au centre du Dominion, les intérêts agricoles sont tout-puis-sans, comme les intérêts maritimes sur les bords de l’Atlantique : le transport des grains et la pêche sont les deux questions vitales, celles qui pèseront d’un poids décisif sur la détermination des