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vraisemblance et mal préparées. Les afflux d’hommes qu’elles amènent sous les drapeaux donnent aux officiers de troupes le moyen de manier des effectifs plus approchés des formations de guerre mie ne le sont les effectifs habituels. Mais il suffit de réunir sur les champs de manœuvres les effectifs de plusieurs unités tactiques pour égaler les formations de guerre et donner aux officiers le moyen de s’exercer à leur emploi. Quant aux officiers de l’armée territoriale c’est aussi dans l’armée active qu’il convient de les dresser à leurs fonctions : là seulement, en présence de troupes et de chefs formés à la discipline et au savoir, ils apprendront ce qu’ils doivent exiger de leurs soldats et d’eux-mêmes. Quant aux hommes, les appels sont loin d’augmenter en eux les qualités militaires. Si les réservistes ont oublié, ce n’est pas le maniement des armes, c’est l’obéissance. Ce qu’ils ont besoin d’apprendre, c’est la régularité de la vie qu’ils ont autrefois menée. Or ils rentrent dans l’armée au moment où elle-même la perd, au moment où à l’ordre de la caserne succède le désordre inévitable des marches et des cantonnemens. Moins soumis à l’action directe des chefs, témoins d’un relâchement dans la soumission qui serait réprimé en temps ordinaire, ils ont gardé le souvenir d’une discipline supérieure à celle qu’ils contemplent, et le double sentiment qui survit en eux est la répugnance d’avoir subi de nouveau les rigueurs de l’armée et le désenchantement de ne l’avoir pas retrouvée égale à celle qu’ils ont connue. Les hommes de l’armée territoriale sont soumis à une épreuve d’une autre nature, mais non moins funeste à la discipline. Les cadres de cette armée n’ont pas tous une grande expérience militaire. L’œil du soldat est toujours ouvert sur la faiblesse de ses chefs. Les convocations sont des rendez-vous donnés à l’esprit de critique, et le plus souvent, quand elles sont achevées, l’homme a perdu sa confiance dans ceux qu’il devra suivre en temps de guerre. Supprimer ces appels sera un moyen de maintenir l’esprit militaire et de rayer au budget une dépense annuelle de 25 millions.

Mais le gain le plus précieux n’est pas celui de l’argent, c’est celui de la liberté laissée aux citoyens. Le service de trois ans frappe tout le monde, suspend toutes les carrières et compromet les plus importantes. Ici le sort n’impose à la moitié des jeunes hommes qu’un service de six mois, et la chance d’un séjour aussi court est offert même à l’autre moitié condamnée au service de cinq années. Grâce au remplacement, les jalousies démocratiques cessent même d’être redoutables, et quand des sectaires persisteraient à refuser la dispense du service à ceux qui se destinent aux fonctions publiques, à l’enseignement, au sacerdoce, le remplacement réparerait le mal accompli par la loi. Il permet aux jeunes gens que de