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Page:Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 70.djvu/459

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REVUE MUSICALE

Théâtre de l’Opéra-Comique : Une Nuit de Cléopâtre, drame lyrique en 3 actes et 4 tableaux, tiré de la nouvelle de Théophile Gautier, paroles de M. Jules Barbier, musique de Victor Massé ; le Roi l’a dit, opéra-comique en 3 actes, paroles de M. E. Gondinet, musique de M. Léo Delibes. — Théâtre de l’Opéra : Sigurd, opéra en 4 actes et 9 tableaux, paroles de MM. Du Locle et Blau, musique de M. Ë. Reyer.

Une Nuit de Cléopâtre avait excité par avance l’intérêt spécial qui s’attache aux œuvres posthumes ; elle a rencontré le genre de succès qui les accueille parfois : succès d’estime, avec une nuance légitime de déférence. Le respect des morts est une de nos dernières religions ; nous saluons encore les enterremens, même les plus pauvres. D’aucuns ont salué bien bas, trop bas, à notre avis, le dernier ouvrage de V. Massé. On a parlé de testament musical, de novissima verba, de chef-d’œuvre même ; le mot a été prononcé : il était hors de propos. La piété ne doit pas tourner à l’idolâtrie, et, s’il est sacrilège d’outrager les morts, il peut être imprudent de les diviniser. Une Nuit de Cléopâtre n’est pas une œuvre de vieillesse, car l’aimable auteur des Noces de Jeannette n’a pas vécu très vieux ; mais c’est une œuvre de souffrance, presque d’agonie. Composée, écrite tout entière entre les crises d’une cruelle maladie, elle a la faiblesse et la pâleur de la mort prochaine : pallida morte futura.

Le livret est tiré de la nouvelle de Théophile Gautier. Un jeune pécheur du Nil, Melamoun dans le roman, Manassès dans l’opéra, se meurt d’amour pour la reine d’Egypte. Lorsque la cange royale descend le fleuve, il fait voler derrière elle sa nacelle d’écorce ; si Cléopâtre se baigne, il se cache pour la contempler. Surpris un jour auprès de la piscine de marbre et traîné devant la reine, il va tomber sous le poignard que, furieuse, elle a levé sur lui ; il la regarde et lui dit simplement : « Je vous aime ! » Ce mot, déjà mille fois dit à Cléopâtre,