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il y en a eu en 1881, 6,255, en 1882, 4,070 et en 1883, seulement 3,924. Pour l’Herzégovine, considérée à part, le progrès est encore plus marqué : le chiffre tombe de 1,823 en 1882 à 723 en 1883. Le district de Nevesinje, où les luttes agraires étaient constantes, est maintenant complètement pacifié. Ce résultat est remarquable quand on songe qu’à la suite des nouvelles lois agraires en Irlande, les tribunaux spéciaux ont eu à décider près de cent mille contestations entre propriétaires et tenanciers. Seulement il ne faut pas oublier que le pauvre kmet, sur qui toute résistance aux exigences de ses maîtres attirait un redoublement d’oppression et de mauvais traitemens, est bien mal préparé pour faire valoir ses droits. M. de Kallay a donc bien raison de dire qu’il le recommande à la sollicitude de ses fonctionnaires.

Le règlement de toute question agraire est chose des plus délicates ; mais elle l’est surtout en Bosnie, à cause de la situation particulière qui est faite au gouvernement autrichien. D’une part, il est obligé d’améliorer la condition des rayas, puisque c’est l’excès de leurs maux qui a provoqué l’occupation et qui l’a légitimée aux yeux des signataires du traité de Berlin et de toute l’Europe. Mais, d’autre part, en prenant possession de cette province, le gouvernement austro-hongrois s’est engagé envers la Porte à respecter les droits de propriété des musulmans, et d’ailleurs ceux-ci constituent une population fière, belliqueuse, qui a opposé aux troupes autrichiennes une résistance désespérée et qui, poussée à bout, pourrait encore tenter une insurrection ou tout au moins des résistances à main armée. Il y a donc deux motifs de la ménager : il est impossible de la réduire sommairement à la portion congrue, comme M. Gladstone l’a fait pour les landlords irlandais. On conseille beaucoup au gouvernement d’appliquer ici le règlement qui a réussi en Hongrie après 1848 : une part du sol deviendrait la propriété absolue du kmet, une autre celle de l’aga, et celui-ci recevrait une indemnité en argent, payée en partie par le kmet, en partie par le fisc. Mais l’exécution de ce plan paraît impossible. Le kmet n’a pas d’argent et le fisc pas davantage. L’aga se croirait dépouillé, et il le serait, en effet, car il ne pourrait faire valoir la part du sol qui lui reviendrait. Il faut appeler des colons, disent d’autres. C’est parfait, mais cela n’améliorerait pas la condition des rayas.

En 1881, le gouvernement a édicté un règlement pour le district de Gacsko qui assurait de notables avantages aux kmets, et il comptait successivement en publier de semblables pour les autres circonscriptions, mais l’insurrection de 1882 y mit obstacle. Cependant le règlement de Gacsko est resté en vigueur. D’après celui-ci, le kmet ne doit livrer à l’aga que le quart des céréales de toute