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Page:Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 70.djvu/587

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gauche de l’Aisne, échelonnées de Soissons à Berry-au-Bac, deux régimens d’infanterie et six régimens de cosaques. Le plus grand nombre des cosaques, sabrés par la cavalerie de la garde, se retirèrent en désordre par le pont de Berry ; les autres ainsi que les fantassins, traversèrent l’Aisne avec des difficultés infinies sur le pont de Vailly[1]. A l’heure où les alliés achevaient de passer la rivière, Napoléon était à Fismes ; son armée occupait le cours supérieur de l’Aisne, depuis Braisne jusqu’aux environs de Berry-au-Bac ; et Marmont et Mortier, qui avaient arrêté leur poursuite à la nouvelle de la capitulation, bivouaquaient à Hartennes et à Buzancy, à 7 kilomètres de Soissons[2].

Mais les Prussiens ne redoutaient plus désormais l’approche de Napoléon. Depuis deux jours, combien avait changé la situation de Blücher! Au lieu de 48,000 hommes battus, fatigués, démoralisés, il avait près de 100,000 hommes, et les renforts, qui portaient ses forces au double, étaient composés entièrement de troupes fraîches. Au lieu d’une armée désunie, marchant dans la plus extrême confusion, il commandait une armée bien concentrée et manœuvrant suivant un plan arrêté. Au lieu d’avoir à subir l’attaque de l’empereur où le hasard le voulait, en flagrant délit de marche, dans de mauvaises positions, avec une rivière à dos, il allait lui-même choisir l’emplacement où se livrerait la bataille.


III.

Napoléon ayant reçu à Fismes, le 5 mars dans la matinée, la nouvelle de la capitulation de Soissons, écrivit ces lettres au roi Joseph et au ministère de la guerre :

  1. Bogdanowitch, t. I, p. 310.
  2. Correspondance de Napoléon. no 21,427, 21,428, 21,429. Lettres de Marmont, Grouchy, Roussel, Clarke, 4 et 5 mars. Journal de la division Roussel. (Archives de la guerre.) — Marmont ayant appris le 4 mars, vers dix heures du matin, à Hartennes, la capitulation de Soissons, et pensant avec raison que cet événement allait modifier les opérations, arrêta sa poursuite qui devenait sans objet du moment que l’ennemi avait le passage libre à Soissons. Il se contenta d’envoyer dans cette direction une forte reconnaissance qui « trouva en avant de la ville toute la cavalerie ennemie, soutenue par de fortes masses d’infanterie.» (Lettre de Marmont à Berthier, Hartennes, 4 mars. Archives de la guerre.) Ce ne fut que le lendemain 5 mars, quand les troupes ennemies eurent achevé leur passage que Marmont tenta un coup de main sur Soissons qui ne réussit pas, mais où il tua 2,000 hommes à Kapzewitch. Sur l’ordre de l’empereur, il rejoignit alors l’armée impériale à Berry-au-Bac. (Mémoires de Marmont, Correspondance de Napoléon, et les Archives de Soissons.) Ce qui était important à établir ici, c’est que si l’ennemi avait pris la route de Fismes, Marmont eût talonné son arrière-garde de très près.