dire que l’armée de Silésie eût passé l’Aisne à Berry-au-Bac sans rencontrer les Français.
Muffling, il est vrai, n’est pas si sûr de son affirmation qu’il ne s’empresse de répondre par avance à ceux qui la mettraient en doute. « Au cas, dit-il, où Blücher n’aurait pu éviter la bataille, il aurait eu le temps de prendre une formation de combat sur le plateau de Fismes, derrière la Vesle, et d’y attendre en bonne position, avec 80,000 hommes, l’attaque des 45,000 hommes de Napoléon. » C’était là, en effet, le plus sage parti qu’aurait pu prendre Blücher. Mais cette seconde assertion de Muffling contient aussi des inexactitudes. Blücher n’aurait eu avec lui 75,000 ou 80,000 hommes que si Winzingerode n’avait pas fait passer l’Aisne à son infanterie le 3, dans la journée, comme il en avait l’intention. Napoléon n’aurait pas eu seulement 35,000 hommes, puisque les corps de Marmont et de Mortier, qui poussaient l’arrière-garde de l’armée de Silésie, seraient arrivés peu de temps après cette arrière-garde sur le terrain de l’action. Les Français se fussent trouvés 55,000 contre 60,000, en admettant que l’infanterie de Winzingerode fût déjà sur la rive droite de l’Aisne : 55,000 contre 80,000, en admettant que ces troupes fussent restées sur la rive gauche. L’inégalité de forces n’en était pas moins très grande; mais quelques jours plus tard, en emportant avec 30,000 hommes seulement le plateau de Craonne, défendu par 50,000 soldats, Napoléon allait prouver que la victoire n’est pas toujours « du côté des gros bataillons. »
D’autre part, l’étude du terrain démontre que la position qu’aurait occupée Blücher n’est pas aussi avantageuse que le prétend Muffling. Entre la Vesle au sud et l’Aisne au nord, s’élève un vaste plateau, d’une altitude moyenne de 100 mètres au-dessus du niveau des deux rivières, et qui s’étend parallèlement à ces cours d’eau sur une longueur de 30 kilomètres et sur une largeur variant entre 2 et 4 kilomètres. La Vesle, qui est peu profonde et qui n’a que 16 mètres de large, n’est pas sans doute un fossé négligeable. Mais il est très possible que l’avant-garde de Napoléon, arrivée à Fismes en même temps que les têtes de colonnes ennemies, auraient abordé le plateau par Braisne, eut commencé par s’assurer le passage sur la rive droite de la Vesle. En tout cas, six ponts traversaient cette rivière, de Saint-Thibaut à Courlandon, et Blücher n’aurait certainement pas commis la faute de disséminer ses forces de façon à défendre le passage sur tous les points. Il faut remarquer enfin qu’étant donné la petite portée des bouches à feu à cette époque, l’artillerie prussienne ne pouvait des crêtes battre les rives de la Vesle. C’étaient donc les hauteurs seules qui constituaient la force de la position. Bien que présentant un front d’attaque de près de