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Constance et qui devient peu à peu chez cette détraquée une monomanie odieuse : elle environne son mari de pièges, elle l’accable de reproches, lui sachant mauvais gré même des tendres égards qui servent, dit-elle, de masque à son indifférence. Au fond, elle a raison, il n’a jamais adoré que Constance. Constance, de son côté, a compris finalement qu’elle se brisait contre l’impossible : après avoir tenté d’écraser l’amour, elle sent que l’amour se relève pour l’écraser à son tour. Au moment où cette cruelle situation paraît le plus inextricable, l’auteur la dénoue de main de maître par une catastrophe qui laisse Rutherford seul au monde en face de Penryhn son ancien rival.


L’émotion n’est pas moindre, quoique plus contenue, dans le dernier roman d’un émule de M. Fawcett, George Parsons Lathrop, le gendre de Nathaniel Hawthorne. Nous pouvons rappeler cette illustre parenté sans risque de suggérer aucune idée de comparaison fâcheuse entre le plus grand des romanciers du Nouveau-Monde et l’auteur de Afterglow, an Echo of passion, Newport[1], la qualité principale de M. Lathrop étant, chacun le reconnaîtra, d’être avant tout lui-même. Newport se rattache à l’ordre de romans dont nous parlions en commençant, qui ne relèvent pas d’une inspiration purement américaine. Ce n’est ni la description, vive et colorée du reste, de cette succursale de Brighton, Niewport, ni les portraits croqués sur cette avenue de Bellevue, spirituellement comparée à la parodie de la Voie Appienne par Boulanger, qui fixent particulièrement notre attention, c’est une crise psychologique susceptible d’être transportée sans y rien changer dans tous les cadres. Le casino de Newport pourrait être aussi bien celui de Trouville, les parties de polos donnent lieu à une flirtation qui, en Angleterre, accompagne également le crocket ; et, s’il est amusant de penser que les grands seigneurs plus ou moins ruinés de l’ancien monde passent la mer d’aventure pour aller courtiser chez elles les héritières yankees, nous voyons sur nos plages françaises assez d’héritières yankees faire les yeux doux à un titre pour que le jeu ne semble pas très nouveau. Non, c’est le fond du sujet qui attache, et il n’est d’aucun climat en particulier, il est humain. Le voici, résumé dans une rapide esquisse qui lui fait grand tort, car elle ne permet pas de rendre le parfum d’idéal, subtil et concentré, qui pénètre toutes les situations pour les ennoblir.

Le héros du livre, Oliphant, trouve dans les papiers de sa jeune femme morte la trace d’une correspondance amoureuse qui a précédé son mariage ; il acquiert la preuve que celle qu’il pleure s’est.

  1. Newport, 1 vol. Charles Scribners, 1884.