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le tort de représenter l’administration paternelle ; de plus, il avait fait la faute, au début du nouveau règne, de se faire appuyer trop ouvertement par l’envoyé de France, M. de Lahaye, personnage maladroit, qui avait offusqué le jeune souverain « par les airs qu’il prenait avec lui » et en essayant de « lui faire peur. » Max-Emmanuel avait secoué la tutelle des conseillers de son père et donné sa confiance à Berkheim et à Leydel. En racontant ces détails à Villars, il ne niait pas avoir « eu quelques torts envers l’envoyé du roi, » et reconnaissait que « ses deux ministres, l’un surtout, étaient fort autrichiens, » mais il ajoutait « que s’il remarquait qu’ils ne le conseillassent pas fidèlement, il ferait d’eux comme des autres. »

Leydel, voyant la faveur dont Villars était l’objet, cherchait d’ailleurs à se rapprocher de lui, à lui persuader qu’il n’était pas aussi éloigné de l’alliance française qu’il le paraissait : le comte de Sanfré était l’intermédiaire de ces confidences : « C’est, écrivait Villars, le 14 mai, un des plus honnêtes gens qu’il y ait dans cette cour, des plus dans la confiance de l’électeur et qui est le plus propre à en faire bon usage ; il me donne tous les avis qu’il croit pouvoir m’être utiles ; M. de Leydel m’a fait assurer par lui qu’il était de mes amis, qu’il me priait de ne pas le confondre avec Berkheim, qu’il serait fâché qu’on le crût autrichien ; qu’il cherchait les intérêts de son maître et qu’où il pourrait les trouver, il conseillerait toujours à son maître de s’y attacher. »

L’importance politique venait à Villars avec la faveur et répondait au désir de paix qui régnait dans le public.


J’ai eu l’honneur de vous mander les premiers jours, écrivait-il au roi, que l’on ne me regardait pas comme un homme chargé d’aucune commission : je ne puis pas vous dire la même chose présentement. Les fréquentes conversations de M. l’électeur, l’envie qu’a presque toute la cour de revoir une bonne intelligence avec la France, leur font publier que ce n’est pas seulement de plaisirs et de galanterie que nous parlons ; aussi beaucoup de gens commencent à lever la tête, cherchent à me parler, à me donner des avis; je ne les détrompe point fort, car il me paraît nécessaire de ne leur point ôter une espérance qui les flatte... Pour toute la noblesse du pays, le peuple de Munich, tous ne parlent au monde que des temps heureux où l’alliance avec Votre Majesté faisait régner l’opulence et détestent fort ces derniers temps et les Autrichiens qui les ruinent ; ils commencent même à se plaindre assez hautement.


L’envoyé d’Autriche, le comte de Thun, commençait à s’effaroucher d’une intimité qui amenait de tels résultats. Il s’en plaignit