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Page:Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 70.djvu/776

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de Kaunitz essaya de reprendre son empire sur l’électeur et y réussit en partie, grâce au soin qu’elle prit de fermer les yeux sur ses infidélités ; elle tenait moins à sa tendresse qu’à sa soumission et voulait moins régner sur son cœur que diriger sa politique : ainsi elle laissa l’électeur se rapprocher de Mlle de Welen et déjouer, pour. la voir, la surveillance de l’impératrice, « qui n’entendait pas raillerie sur ce chapitre. » Au lieu d’en faire une rivale, elle s’en fit une auxiliaire pour le plus grand intérêt de l’Autriche. Elle aurait voulu que son mari fût envoyé à Munich, afin d’y retourner avec lui et d’y exercer plus librement son empire; Villars redoutait beaucoup le voisinage de la belle comtesse et s’appliqua à contrecarrer ses projets en raillant l’électeur de sa dépendance. Max-Emmanuel, qui ne tenait pas à la tutelle politique du mari, y échappa en le faisant nommer conseiller d’état et chevalier de la Toison d’or. Kaunitz resta à Vienne ; sa femme « fut quelques jours dans une tristesse mortelle, » mais dut se résigner à n’agir que de loin. Après cette première preuve d’indépendance, l’électeur en donna une seconde en refusant de renouveler le traité qu’il avait fait pour cinq ans, en 1683, avec la cour d’Autriche, et qui était près d’expirer : il ne consentit à se lier que pour la campagne suivante contre les Turcs. Villars enregistrait avec satisfaction ces symptômes d’un changement prochain dans les sentimens de l’électeur et s’en attribuait naturellement le mérite ; mais il ne lui fit aucune ouverture formelle pendant son séjour à Vienne, et craignant, avec raison, qu’il ne répétât ses discours à la comtesse de Kaunitz, il attendit, pour entrer en matière, que l’électeur fût de retour à Munich; ils y rentrèrent ensemble le 25 octobre.

Alors commença une négociation, ou plutôt une lutte de six mois, dont il est intéressant de suivre les péripéties dans les nombreuses correspondances qui nous sont restées des principaux acteurs. Ce sont, d’un côté, Louis XIV et ses ministres, Louvois et Croissy, qui poursuivent un double but: compléter le système de défense du Rhin et préparer le règlement de la succession d’Espagne, dont ils ont pressenti les difficultés. Pour le premier objet, non-seulement il faut réunir à la France, sur la rive gauche du Rhin, le plus de territoires possibles, mais il faut lui assurer, dans les états riverains dont l’annexion est impossible, une influence prépondérante ; il faut avoir à Cologne un électeur dévoué à ses intérêts, comme le cardinal de Fürstenberg; il faut mettre la main dans les affaires du Palatinat à l’occasion de l’héritage de Madame. Pour le second objet, le concours militaire de la Bavière est indispensable. Villars doit seconder ces combinaisons en amenant Max-Emmanuel à renoncer pour son frère Clément à l’électorat] de Cologne et à se fier avec la France par un traité positif. De l’autre côté, l’empereur cherche