Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 70.djvu/777

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à retenir son gendre dans son alliance, et c’est Kaunitz qui agit en son nom.

De part et d’autre, on fait assaut d’efforts, de promesses, d’intrigues : tout est mis en œuvre, la séduction, la menace, l’argent, la galanterie ; ce dernier moyen, auprès d’un prince léger et sensuel, semblait le plus efficace; Villars, comme tous les diplomates improvisés, s’en exagérait la valeur. Max-Emmanuel était aussi un ambitieux, et cette passion le tenait d’aussi près que l’autre : pour le moment, il avait l’ambition de commander seul l’armée impériale en Hongrie, et il ramenait tout à la satisfaction de ce désir. Indécis sur tout le reste, hésitant entre les sollicitations et les promesses, il poursuit ce but restreint avec ténacité, se servant tour à tour des avantages offerts des deux parts, sans se demander si l’avenir, dont il croyait se réserver les chances, ne serait pas à jamais compromis par les satisfactions du présent.

Dans cette compétition de chaque jour, tout était occasion de lutte : un voyage de Vienne ou de Venise, le mariage de la sœur de l’électeur, jusqu’à une fête à Schleissheim ou à Landshut. Au début, l’avantage parut être du côté, de Villars et de la France. Le cardinal de Fürstenberg fut élu coadjuteur de l’électeur de Cologne, ce qui semblait impliquer qu’il lui succéderait ; Max-Emmanuel refusa pour la princesse Yolande-Béatrice la main du fils aîné de l’empereur et accepta celle du prince de Toscane, le protégé de Louis XIV ; de plus, l’électeur écoutait avec complaisance les propositions de Villars et traitait l’envoyé officieux du roi avec une déférence qui causait à Vienne de vives inquiétudes. Encouragé par ces premiers succès et par ces marques de confiance, Louis XIV se décida à faire à l’électeur des offres officielles et, dans des mémoires très étudiés, il lui fit l’exposé de tous ses projets : il convient de résumer ici ces documens importans.

Le roi commence par l’exposé de la politique autrichienne telle qu’elle résulte pour lui de toutes les informations qu’il a reçues. Il considère que l’intention de l’empereur est de faire élire son fils, l’archiduc Joseph, roi des Romains, et d’obtenir de tous les états de l’empire un armement général : son but est d’arriver à rendre la couronne impériale héréditaire dans sa maison, comme l’est déjà la couronne de Bohême et comme le sera bientôt celle de Hongrie, et cela au mépris des lois et constitutions de l’empire. Il cherchera ensuite à assurer à son second fils la succession de la monarchie espagnole, sauf à promettre d’en détacher quelques parcelles pour désintéresser l’électeur de Bavière.

Tous les princes allemands sont menacés dans leur indépendance et leur avenir par ces prétentions ; mais celui qui a le plus d’intérêt