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assez banales de la reconnaissance qu’inspiraient à l’électeur les offres considérables du roi, et du désir qu’il éprouvait de s’attacher à ses intérêts. La seconde lettre s’est perdue, mais, d’après l’analyse que Villars en donne, elle aurait été plus explicite : « Hors un traité avec Sa Majesté, écrit-il au roi, le 14 juillet 1688, elle est, ce me semble, ce qu’on peut désirer de plus fort... En substance, il (l’électeur) s’engage à ne faire aucun traité avec l’empereur, proteste que celui qu’il a présentement n’est que pour cette année. Il prie Votre Majesté de me renvoyer ici dès qu’il y sera de retour, sous prétexte des complimens sur le mariage de la princesse sa sœur, engage sa parole de traiter pour lors solidement avec Votre Majesté. »

Quelques jours après, l’électeur se mettait en route, non sans s’être fait précéder à Vienne par Sanfré, chargé de voir Mlle de Welen, de l’amener à approuver son départ pour la Hongrie et de lui dire que son intention était de la faire venir à Munich après la campagne et de l’y établir pour toujours. Villars accompagna l’électeur jusqu’à Passau, où il prit congé de lui. Max-Emmanuel s’embarqua sur le Danube, heureux d’aller recevoir son premier commandement, et la tête pleine de rêves de gloire : Villars partit pour la France, non moins satisfait des résultats de sa première campagne diplomatique.

L’accueil qu’il reçut à Versailles fut de nature à le confirmer dans la bonne opinion qu’il avait des effets de sa mission. Le roi l’appela « bon négociateur, » Mme de Maintenon lui fit de grands complimens, Mme de Sévigné parla de lui dans ses lettres, il fut des comédies intimes de Saint-Cyr et des voyages de Marly, honneurs fort recherchés. Il eut, en outre, des satisfactions plus solides : le roi promit de le renvoyer à Munich avec une mission officielle et lui donna la charge de commissaire général de la cavalerie.

Louis XIV partageait les illusions de Villars ; il avait considéré les deux lettres de l’électeur comme des engagemens et ne doutait pas qu’au retour de Hongrie Max-Emmanuel ne conclût avec lui, sur les bases déjà ébauchées, un traité en bonne forme. Se croyant assuré de cette alliance, il s’appliqua avec ardeur et confiance à poursuivre ses projets sur le Rhin. Nous n’avons pas à refaire l’histoire très connue des « réunions » et de la rupture de 1688. Nous n’avons pas davantage à suivre l’électeur au siège de Belgrade. On sait qu’il s’y couvrit de gloire. Cette opération était de celles qui convenaient à ses qualités : il n’y fallait que de la bravoure. « Les Turcs, dit Villars dans ses Mémoires, très ignorans en ce qui regarde la science de la guerre, ne défendent leurs places que par leur seule valeur : ils ne font aucun cas des chemins couverts ni de tout ce que l’art a fourni à nos ingénieurs... Ils ne comptent que