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Page:Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 71.djvu/291

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vierges par les murailles des couvens ; quant à ses ministres, à qui elle a cru dans la suite devoir imposer aussi le célibat, elle n’a senti que trop souvent la difficulté de leur en faire respecter toujours les obligations ; mais il ne s’agit ici que des vierges. Que plusieurs d’entre elles aient failli, n’ayant ni l’abri du mariage ni celui du cloître, il n’y a rien là qui surprenne ; ce qui nous surprend, c’est de lire que plusieurs de celles qui reconnaissaient avoir ainsi passé la nuit avec des hommes soutenaient qu’elles étaient demeurées vierges, demandaient à en faire la preuve par l’examen des sages-femmes, et concluaient qu’elles n’avaient donc rien à se reprocher. Cyprien, il est vrai, se récrie sur cette proposition étonnante et sur une manière si grossière et si scandaleuse de comprendre la virginité ; et, considérant la vierge comme l’épouse du Christ, il demande quels seraient les sentimens d’un mari qui trouverait sa femme dans le lit d’un homme. Et pourtant Cyprien lui-même, quand il faut conclure, décide avec ses collègues que celles qui ont présenté cette étrange excuse seront soumises à un examen[1]. et que si elles sont reconnues vierges, elles seront reçues dans l’église sans autre mesure prise à leur égard qu’un avertissement de ne pas recommencer. Il approuve d’ailleurs l’évêque Pomponius d’avoir refusé la communion au diacre coupable et à tous ceux qui étaient dans le même cas. On ne comprend guère aujourd’hui ces mœurs, dans une église chrétienne, et que la virginité même y fût si loin de la pudeur.

La lettre 62 est des plus intéressantes. C’est une réponse à huit évêques d’Afrique qui demandaient des secours pour des chrétiens captifs des barbares[2]. Cyprien accueille cette demande avec la sympathie la plus chaleureuse, développant toutes les misères de la captivité, et, pour les femmes, les opprobres, et faisant appel aux sentimens que chacun éprouverait si ce malheur tombait sur les siens. Il envoie une somme qu’il a recueillie dans son église[3], et tout en espérant qu’un pareil malheur ne se reproduira pas, il se déclare prêt à faire aux siens un nouvel appel s’il fallait qu’on fût trompé dans cette espérance. Il envoie avec la somme la liste des souscriptions, comme nous dirions aujourd’hui, parmi lesquelles figure la sienne, dont nous n’avons pas le chiffre ; quelques évêques, qui se trouvaient à Carthage ont aussi donné l’aumône de leurs

  1. Il avait dit cependant plus haut : cum et manus obstetricum et oculi sœpe fallantur.
  2. Ces barbares étaient des Francs qui, après avoir traversé la Gaule, avaient passé en Espagne et de là en Mauritanie.
  3. Cette somme (100,000 sesterces), équivaut à 20,000 francs quant à la quantité d’argent qu’elle représente.