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Il fut évêque tandis qu’il n’était encore que néophyte, ce qui était cependant défendu par un texte saint[1]. La même chose arriva un siècle plus tard à saint Ambroise. Il est permis de croire qu’en se faisant chrétien Cyprien savait où il allait. Comme un passage de ses lettres nous avertit qu’on ne donnait pas ce titre d’ancien à un jeune homme, on supposera volontiers qu’à l’époque de sa conversion, il pouvait avoir déjà quarante ans.

Ce fut un courant d’opinion irrésistible et l’entraînement de tout un peuple qui le fit évêque : on verra plus tard comment se faisaient ces ordinations. Il y eut pourtant des mécontens et comment n’y en aurait-il pas eu en face d’une fortune aussi extraordinaire ? Ils ne purent empêcher sa victoire, mais ils ne la lui pardonnèrent jamais.

À cette époque, l’église était déjà une association très étendue et très considérable, et ceux qui la gouvernaient étaient des personnages importans. Cyprien lui-même nous dit que plusieurs voulaient être évêques pour avoir de l’argent et pour faire de bons soupers. Plus tard, quand l’église régna sous des empereurs chrétiens, Ammien nous montre qu’on se disputait l’épiscopat dans Rome avec de telles fureurs que, dans les luttes au bout desquelles Damase devint évêque, il y eut une journée où il resta 137 morts sur le pavé de la basilique chrétienne. Et il ne s’en étonne pas ; car ces évêques s’enrichissent des dons des femmes, ils ont des voitures somptueuses, des habits magnifiques, des repas dont le luxe surpasse celui des rois. (Amm. 27, 3.)

Il y avait déjà quelque chose de cela cent ans avant Damase. Cyprien encore nous dit ailleurs que beaucoup d’évêques, insoucians de l’administration des choses divines, ne s’appliquaient plus

  1. lettre à Timothée, III, 6. Néophyte, c’est-à-dire plant nouveau, signifie nouveau chrétien. Mais qu’était-ce au juste qu’être nouveau chrétien, et comment déterminer là une limite ? Si on considère qu’on baptisait de préférence à la fête de Pâques (Tertullien, De Baptismo, 19), on peut supposer qu’on était néophyte d’une fête de Pâques à une autre. Quand revenait la fête et qu’on faisait d’autres néophytes, les précédens n’étaient plus sans doute considérés comme tels.