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Page:Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 71.djvu/381

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que tout le monde était contre lui et le temps était son allié. Dès que César sut que les galères étaient prêtes, il sortit de Borne, afin de s’embarquer ; mais le pape, mettant les jours à profit, avait organisé contre lui la défense des Romagnes, expédié par toutes les villes des brefs par lesquels il déclarait qu’il ne reconnaissait pas l’autorité du duc comme suzerain de l’église, et exhortait les peuples à secouer ce joug et à rentrer sous la bannière du saint-siège, qui, sous son règne, ne les abandonnerait plus. Le 21, on apprit au Vatican que les Vénitiens, profitant de l’occasion, attaquaient Faenza ; Jules II, qui redoutait Venise plus encore que César, fit partir Soderini et le cardinal Ramolino pour retenir Borgia à Ostie et lui arracher l’ordre de livrer les forteresses, promettant de lui donner en échange les moyens de réoccuper tout le territoire, pourvu qu’il se considérât comme le mandataire du saint-siège. César refusa ; Jules II ordonna alors au capitaine des galères de le retenir prisonnier. Pendant ce temps-là, on faisait couper les jarrets des chevaux de son escadron et pour achever cette ruine et trancher dans le vif, un bref, rendu public, instituait Giovanni Sacchi, évêque de Raguse, gouverneur des Romagnes et de Bologne à la place du Valentinois, enjoignant en outre à toutes les anciennes seigneuries d’arborer le drapeau pontifical. La rupture était complète ; devant des décisions aussi fermes. César résistait cependant encore, parce que, malgré l’attitude énergique du pape, les nouvelles qui lui parvenaient des Romagnes étaient rassurantes ; Imola, sans doute, venait de se révolter contre son autorité, mais presque partout les forteresses tenaient énergiquement, et Ottaviano Sforza, ayant tenté de rentrer, avait été jeté du haut des murailles avec un poignard dans le cœur.

C’est cette fidélité de ses chefs qui causa la perte de César. Jules II le fit prendre à Ostie, au moment où il allait monter sur ses galères ; il ordonna de la ramener au Vatican, où cette fois il eut pour prison les appartemens du trésorier, Francesco Alidosio. Le cardinal de Rohan vint le voir et lui témoigna de l’intérêt. Jules II, à la fois ferme et souple, essaya, par des promesses et par son accent simple et cordial, de lui arracher les clefs des forteresses. Il résistait encore, mais chaque jour amenait un nouveau désastre ; Michelotto, son bravo, Carlo Baglioni et Taddeo Della Volpe, ses capitaines fidèles, pris entre les Florentins, Venise, et les alliés du saint-siège, furent faits prisonniers. Ce fut un coup terrible. César eut un moment de faiblesse et proposa une transaction : il donnerait l’ordre à ses officiers d’ouvrir les portes des forteresses de Forli et d’Imola, mais, en échange, il se retirerait de Borne avec ce qui lui restait de troupes. Cette fois, à côté de la signature du pape, il exigea celle