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clair qui plaît à l’œil. La Bourse (Lonja), où se fait encore le commerce de la soie, est la perle de ces chefs-d’œuvre de l’architecture du moyen âge. La cathédrale est un vaste et riche musée où l’architecture, la sculpture et la peinture rivalisent. Point de chapelle qui ne renferme quelques tombeaux suspendus le long du mur, surmontés de la statue couchée, du buste et des armes du mort. Ces monumens funèbres tiennent généralement peu de place. Le pavé des chapelles et des nefs forme une véritable mosaïque de pierres tumulaires, couvertes d’inscriptions archaïques à moitié effacées. Les autres églises ne le cèdent à la métropole que par l’étendue. Le dévot de l’art trouve à admirer jusque dans les plus petites. Rien de surprenant : l’école des beaux-arts de Valence est célèbre depuis plus de quatre siècles.

Si la métaphore n’était un peu bien usée, on dirait que Valence est le séjour des muses. Aucune ville d’Espagne n’a mieux servi les études libérales ; aucune n’a mieux compris cette religion de l’art dont les dogmes sont éternels ; aucune n’est restée plus fidèle au culte des sciences et des lettres. L’université de Valence, plus heureuse que ses deux grandes rivales, Salamanque et Alcala de Hénarès, est encore vivante, toujours prospère, sinon aussi glorieuse que par le passé. Sa gloire consiste maintenant à glorifier les hommes de mérite qui l’ont illustrée. La grande salle des actes, garnie de bancs en amphithéâtre, est littéralement tapissée de portraits presque tous remarquables. La variété des costumes et des physionomies n’est pas le moindre attrait de cette belle galerie composée de professeurs de toutes les facultés, de religieux de tous les ordres, de docteurs séculiers et clercs, de prélats, de princes de l’église. Il n’y a pas une seule médiocrité parmi ces illustrations locales, proposées comme exemples aux étudians. Au centre de la cour d’honneur, entre la bibliothèque et les collections de ce musée d’hommes illustres, se dresse la statue en marbre blanc du plus illustre de tous, Jean-Louis Vivès, philosophe, érudit, humaniste, pédagogue hors de pair, qui partagea avec Erasme et Budé le triumvirat du savoir dans le siècle de l’érudition, et brilla parmi les plus doctes par la profondeur des connaissances et la solidité du jugement. Il n’est pas de plus brillante étoile dans l’immortelle pléiade de ces savans hors ligne dont le chef fut Antonio de Lebrixa, et le dernier représentant, Francisco Sanchez de las Brozas, qui mourut entre les griffes de l’inquisition, et qu’un professeur de Berlin a pris à tort pour un jésuite. L’école médicale de Valence a été pendant trois siècles la première de l’Espagne, et l’école poétique a fourni des modèles à la littérature espagnole : c’est à Valence que fut publiée la première édition de la Diane amoureuse du Portugais Jorge de Montemayor ; c’est un professeur de grec de