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n’a eu d’autre résultat que de multiplier les mécontentemens en aggravant la situation du pays.

Ils sont étranges, ces républicains du jour. Ils croient pallier leurs fautes par des discours, des déclamations et des programmes. La réalité reste cependant ce qu’elle est, en dépit des équivoques et des optimismes de parti. La vérité est que les républicains, depuis qu’ils sont au pouvoir, ont abusé de tout sans rien fonder, qu’ils n’ont réussi, avec leurs prétentions, leurs chimères, leurs passions de secte et leurs imprévoyances, qu’à remettre tout en question, à provoquer dans la masse française un sentiment indéfinissable d’incertitude et de malaise. Aujourd’hui encore, à l’approche des élections, que trouvent-ils de mieux à nous promettre ? Tout au plus la continuation ou l’aggravation de ce qu’ils ont fait jusqu’ici. Supposez maintenant, supposez un instant que le pays, livré à lui-même, avec ses instincts de modération, d’ordre et de travail, pût se prononcer nettement, distinctement, entre la politique qui l’a relevé il y a quinze ans et la politique qui le trouble et l’épuisé depuis quelques années : qui peut douter du résultat ? Il est certain que la France demanderait avant tout un gouvernement de bon sens et de prévoyance qui pût lui rendre la paix morale dans sa vie intérieure, l’ordre dans ses finances, la liberté de ses forces et de ses résolutions à l’extérieur.

Il n’y a qu’heur et malheur dans les affaires du monde. Le danger des troubles et des querelles entre nations peut se déplacer quelquefois, il ne disparait pas pour longtemps, ou, s’il disparaît pour les uns, il renaît bientôt pour les autres, et l’Europe n’est jamais bien sûre de sa tranquillité ; elle ne sait pas si, en un instant, du soir au matin, elle ne va point passer des spectacles pacifiques d’une entrevue de Kremsier à des perspectives de guerre à propos d’une dispute à main armée sur une frontière afghane ou de la prise de possession de quelque flot inconnu, dans les mers lointaines. Il y a quelques mois déjà, c’est entre l’Angleterre et la Russie qu’un conflit semblait près d’éclater pour l’occupation de Penjdeh par les troupes du tsar ; les passions britanniques avaient pris feu, l’Angleterre était presque sous les armes. Un moment, il n’aurait fallu peut-être qu’un accident pour allumer une guerre qui n’aurait pas été sans danger pour l’Europe, et voilà maintenant l’incident terminé. Les susceptibilités anglaises se sont calmées, on s’est entendu sur Penjdeh et sur Zulficar ; la querelle est provisoirement éteinte. Il y a quelques jours à peine, c’est entre Madrid et Berlin qu’un conflit nouveau a fait pour ainsi dire explosion à propos de l’invasion allemande aux Carolines ; et, pendant une semaine, ce conflit, aussi violent qu’imprévu, a eu assurément, de toute façon, le caractère le plus menaçant.

Comment cet étrange conflit a-t-il pu éclater et s’envenimer ainsi,