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personnages des temps anciens, Novatianus figure encore dans l’histoire ecclésiastique comme le premier des antipapes.

Mais ce qu’il faut expliquer d’abord (car c’est là ce qui rendait les schismes possibles), c’est qu’il n’y avait pas, pour l’ordination d’un évêque, de règles précises. Elle ne se faisait ni par l’institution d’une autorité supérieure, comme est aujourd’hui celle du pape, ni par une élection au sens où nous l’entendons ; je veux dire par la décision, prise à la majorité des voix, d’un collège déterminé d’électeurs. Voici comment il semble que se passaient les choses : lorsqu’il s’était formé, dans le clergé d’une église, c’est-à-dire parmi les anciens et les diacres[1], un groupe considérable qui voulait tel personnage pour évêque, ceux-là appelaient du dehors d’autres évêques, n’importe lesquels ni en quel nombre, pour venir le présenter à son peuple ou l’ordonner, car des évêques seuls avaient autorité pour cela. Ils étaient ses véritables électeurs, mais appelés et choisis par les anciens et les diacres, qui rendaient témoignage (de clericorum testimonio), par une lettre collective sans doute, en faveur de celui qu’on avait en vue ; puis il fallait encore que le peuple ou les laïques, réunis en assemblée générale par les évêques, rendissent l’ordination définitive en s’y associant par acclamation[2]. On comprend dès lors qu’un évêque étant ainsi nommé, s’il se trouvait des dissidens assez appuyés par l’opinion, ils pouvaient avoir, de leur côté, un certain nombre d’anciens et de diacres qui appelaient à leur tour d’autres évêques, lesquels faisaient acclamer un autre élu par une autre assemblée populaire. Ainsi fut nommé Novatianus. Et il est à remarquer que Cyprien, dans les lettres où il ramasse tout ce qui peut se dire contre une ordination qu’il combat, n’indique nulle part ni que la quantité, ni que la qualité des adhésions ait manqué au rival de Cornélius. Il est à croire cependant que celui-ci, puisqu’il a prévalu et qu’il a été reconnu partout, avait à Rome même l’avantage du nombre, et Cyprien appuie sur ce qu’il avait celui de la possession, ayant été nommé seul tout d’abord, avant qu’il se formât un parti pour élire Novatianus. Mais avant cette élection, qui suivit d’ailleurs l’autre de très près, le schisme existait déjà, une partie de l’église de Rome ayant refusé de reconnaître l’ordination de Cornélius.

On pense bien que Novatianus n’était pas le premier venu. Personne n’était entouré de plus de considération parmi les anciens de son église. C’était un lettré et un philosophe, disciple de l’école

  1. C’est toujours aux anciens et aux diacres seulement que s’adressent les lettres de Cyprien à son clergé.
  2. C’est ainsi que Cyprien rend compte de l’élection de Cornélius (lettre 55). Il y avait eu à cette élection seize évêques.