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l’excès ce système d’amodiation ? Elle en a certainement méconnu les côtés moraux et sociaux, et, quant à ses effets économiques, elle s’est attachée presque exclusivement aux types défectueux pour leur opposer un fermage souvent hypothétique, toujours riche en avances, mêlant la hardiesse à la circonspection, la théorie à l’expérience, le fermage tel qu’il doit être en un mot et non tel qu’il est toujours, il s’en faut. Le fermage a été à la mode; le respect humain s’est mis de la partie ; on a cédé à l’idée préconçue que le bail à rente donnerait, en tout état de cause, des résultats supérieurs à un métayage dont les propriétaires éprouvaient, d’ailleurs, les inconvéniens sans en apprécier toujours suffisamment les compensations et les avantages.

Des raisons qui tenaient à l’état des esprits et de la société devaient aussi déterminer nombre de propriétaires, en dehors de tout intérêt agricole, à préférer le fermage. Lorsqu’ils reprochent aujourd’hui avec quelque sévérité aux paysans l’abandon de la culture, ne craignent-ils pas qu’il ne leur soit plus d’une fois répondu : « Que ceux d’entre vous qui ne se sentent pas coupables nous jettent la première pierre ! » Ceux qui s’absentent sont-ils moins infidèles à la terre que ceux qui se déclassent, et ne sont-ils pas aussi des déclassés de l’agriculture ces propriétaires qui ne voient guère dans la possession d’un domaine qu’une occasion de villégiature, surtout au temps de la chasse, ou qu’un moyen d’influence pour les élections? Ils ont recherché, non sans excès, les fonctions publiques, l’industrie, les affaires, le luxe et les plaisirs de la capitale, de même que les métayers et les ouvriers ruraux allaient aux métiers urbains, aux travaux publics et aux chemins de fer, au petit commerce et aux places de bureau, ainsi qu’aux distractions des villes. On avouera que tout cela se ressemble fort, et que, dans cette occasion comme en d’autres, il n’y a pas une si grande différence entre le haut et le bas de la société. Encore s’il ne s’agissait que des grands propriétaires! Mais non : les moyens ont obéi aux mêmes impulsions. Or, c’est la moyenne propriété qui convient surtout au métayage, peu applicable aux domaines étendus, à moins qu’on ne les divise en plusieurs métairies. Nos moyens propriétaires, qui cultivaient soit eux-mêmes, soit avec le concours de métayers, se sont souvent donné le luxe d’un fermier, pour s’occuper de toute autre chose que de culture ou pour s’adonner à une vie presque oisive. Il en est trop qui ont recherché les agrémens du jeu et du café dans les chefs-lieux d’arrondissement ou de canton. En somme, le métayage a diminué en raison des progrès du fonctionnarisme, de l’industrie, de la spéculation. La corrélation entre ces faits peut être suivie pour chaque période depuis 1830. Dans de telles conditions, la surveillance