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revenir avec quelques économies gagnées dans le métier de maçon ou tel autre de l’industrie du bâtiment, ont fait de ce département découpé en parcelles une sorte de damier agricole. Et que d’autres exemples encore!

J’appelle aussi obstacle artificiel au métayage, dans les pays qui le comporteraient, l’excès d’indépendance. En Bretagne, par exemple, on reconnaît que le métayage aurait fréquemment des avantages au point de vue de la culture. Qui s’y oppose? Cet esprit d’indépendance très concevable, louable même, si le paysan était placé en présence d’une servitude de droit ou de fait, mais il n’en est rien. Il s’agit d’un contrat libre, résiliable, facile à rompre. Les maîtres savent bien qu’ils seraient, dans ces pays d’humeur fière, et c’est une humeur qui se répand partout, mal venus à tenter sur les populations une sorte d’embauchage. Assurément, on peut citer des contrées où les métayers votent comme les propriétaires ; c’est qu’ils sont encore animés du même esprit. Nous en nommerions d’autres où les opinions présentent plus de divisions et où le métayer vote différemment. Il n’est pas si facile qu’on croit de s’emparer du paysan. D’ailleurs, si le métayer peut avoir besoin du maître, celui-ci, dans les conditions de cherté de la main-d’œuvre, qui ne sont pas, selon nous, seulement passagères, a peut-être encore plus besoin du métayer. Nous n’hésitons pas encore ici à voir dans cette indépendance ombrageuse, impatiente de toute supériorité, même de tout contact et de toute surveillance, un défaut, auquel il faut rapporter comme à une de ses causes la diminution du métayage.

Les propriétaires n’ont pas été non plus sans responsabilité dans cette désertion trop hâtive, trop complète de l’exploitation par métayers. On peut bien recueillir quelques aveux là-dessus dans l’enquête ; peut-être pourtant la confession a-t-elle parfois besoin d’être un peu aidée et complétée. Il nous paraît certain d’abord qu’il y a eu dans ce mouvement d’abandon du métayage par les propriétaires eux-mêmes un peu d’entraînement théorique en faveur du fermage. Le goût pour les théories est rarement imputable aux propriétaires, nous le savons, et nous ne prétendons pas leur en faire un reproche. Mais si vive avait été la campagne menée par les économistes et les agronomes contre le métayage dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, tel avait été leur zèle à proclamer la supériorité du bail à rente fixe, qu’ils avaient créé un puissant mouvement d’opinion. Mouvement très explicable quand il importait de revendiquer pour le bail à rente fixe la place qui lui est due et qu’il n’avait pas encore prise au soleil. Est-ce pourtant à dire que la théorie n’ait pas, même alors, déprécié à