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elles-mêmes et directement intéressées à la prospérité de l’œuvre commune. Tout s’y réglait après délibération de la troupe ou en vertu de pouvoirs confiés par elle à l’un de ses membres. Même après que les gentilshommes de la chambre se furent attribué une part d’autorité considérable sur les troupes subventionnées, elles ne cessèrent pas de former de véritables sociétés à participation directe, maîtresses de leur régime intérieur et de leur budget. Outre son droit de vote dans les assemblées de la compagnie, chaque acteur exerçait, par délégation de ses camarades, perpétuellement ou à tour de rôle, les divers emplois nécessaires au bon fonctionnement de l’entreprise. Tel était trésorier, tel secrétaire ; tel autre contrôleur, c’est-à-dire assistant et surveillant du secrétaire et du trésorier, tel orateur. Tel, enfin, cumulait plusieurs de ces emplois ; ainsi La Grange, qui remplit longtemps les fonctions de secrétaire, de trésorier et d’orateur.

De ces trois charges, la dernière était, sans contredit, la plus importante. De nos jours, il arrive parfois, assez rarement, que le public parisien s’entende haranguer au cours d’une représentation, pour lui faire accepter un changement imprévu dans le spectacle, solliciter son indulgence, ou nommer l’auteur d’une pièce nouvelle. Encore, de ces sortes d’annonces, toujours très courtes, la dernière est-elle la seule, en dehors de la Comédie-Française, qui soit faite par un acteur ; les autres sont confiées d’habitude à un employé de la troupe, « le régisseur parlant au public. » Si parfois, en province, celui-ci est en même temps acteur et employé, ce cumul tient plutôt à des raisons d’économie qu’à une imitation des anciens usages. Enfin, c’est encore en province, et là seulement, que l’annonce peut devenir une harangue développée ou même un dialogue, assez confus et tumultueux, avec le public. Autrefois, au contraire, nous apprend Chappuzeau, à l’issue de chaque représentation, l’orateur faisait un petit discours en trois points : « Il rendoit grâces au public de son attention favorable, il lui annonçoit la pièce qui devoit suivre et il l’invitoit à la venir voir par quelques éloges qu’il lui donnoit. » Assez souvent, ce discours était le fruit d’une soigneuse préparation et tirait à conséquence par son étendue comme par son objet. C’était quand le roi, ou un prince du sang, ou un personnage de marque honorait la représentation de sa présence ; à la clôture annuelle de la semaine sainte et à la réouverture après Pâques ; enfin, « quand il falloit annoncer une pièce nouvelle qu’il étoit besoin de vanter, » ou pour promettre « de loin » des pièces nouvelles, ce qui « tenoit le monde en haleine et faisoit voir le mérite de la troupe, pour laquelle on s’efforçoit de travailler. » Pendant longtemps on attacha