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musulmane il ne reste presque plus de traces : quelques fontaines avec des inscriptions arabes et une mosquée qui tombe en ruines. Il y avait un grand nombre de mosquées jadis et le traité d’évacuation stipulait qu’elles seraient respectées. Mais comme nul ne les répare, le temps fait son œuvre : elles s’écroulent ; bientôt il n’en restera plus une seule. C’est dommage. Le gouvernement serbe devrait en conserver une comme souvenir d’un passé dramatique et comme ornement architectural. Voyez avec quelle rapidité recule la domination ottomane! Récemment encore elle s’étendait sur toute la rive droite du Danube et de la Save et nominalement jusqu’en Roumanie, en plein cœur de l’Europe ; maintenant elle est rejetée au-delà des Balkans, où elle n’exerce même plus qu’une autorité nominale.

Sur les deux penchans de la colline centrale, vers le Danube et vers la Save, on a bâti des rues nouvelles composées exclusivement de maisons-villas, très élégantes, mais n’ayant qu’un rez-de-chaussée. Elles ont un jardin, une grande cour et de vastes dépendances : le tout occupe une superficie très étendue et procure beaucoup d’air et de lumière. Toutes les constructions neuves et vieilles sont fraîchement badigeonnées en couleurs claires, ce qui fait que la capitale de la Serbie continue à mériter son nom de Beo Grad, Blanche ville.

De ma fenêtre, je vois les cours d’une école moyenne. Les élèves sont habillés comme chez nous et jouent les mêmes jeux. Cependant, il y aurait à faire, en Serbie, une étude spéciale sur les chants populaires qui accompagnent souvent les jeux d’enfans, ainsi que l’a fait M. Pitre pour la Sicile, où il a retrouvé l’écho des plus anciens mythes de la race aryenne. Ceux qui dirigent l’enseignement ont à s’occuper des jeux sous un autre rapport. Avec les programmes surchargés que l’on adopte partout, il n’y a plus de place pour les récréations et les exercices musculaires. Les élèves des classes supérieures croient que jouer est au-dessous de leur dignité. Ils se promènent, causent et discutent. Les cerveaux sont surmenés, la vigueur physique diminue, et l’anémie ravage les générations nouvelles. Quelques quarts d’heure de gymnastique réglementaire ne sont pas un remède suffisant. Il faut les jeux en plein air, qui vivifient le sang, fortifient les muscles, donnent du sang-froid, de la décision, du coup d’œil, comme le cricket en Angleterre et les barres ou la paume en France. Récréation, mot français admirable, qu’il faudrait savoir réaliser dans l’éducation. Comme les anciens, les Grecs surtout, avaient bien compris l’art de développer l’être humain tout entier, moralement, intellectuellement, physiquement! Dans ces incomparables institutions, les