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Page:Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 71.djvu/920

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Nous examinerons cela, reprend le roi ; colonel Franassovitch, veuillez en prendre note. » Je me figure que c’est ainsi que saint Louis jugeait sous son chêne. Je vois en action l’antique souveraineté patriarcale.

Le roi me donne alors quelques détails sur l’organisation communale en Serbie. La commune, opchtina, jouit d’une autonomie complète dans les limites fixées par la loi. Les habitans nomment le conseil communal et le maire, sans nulle intervention du pouvoir central. Le nombre des membres formant le conseil dépend de la population de la commune; mais, pour toute décision, il faut au moins trois conseillers. Ceux-ci fixent souverainement le budget en recettes et en dépenses. Ceci est bien la commune primitive, telle qu’on la trouve encore en Suisse, en Norvège, dans le township américain et telle qu’elle existait partout, avant que le pouvoir central soit venu restreindre sa compétence. Voici qui tient encore aux libertés anciennes : la justice, en premier ressort, est toute communale. Le maire, presednit opchtiné, avec deux adjoints élus pour un an, forme un tribunal qui décide de toutes les contestations jusqu’à la somme de 200 francs et qui juge, en matière pénale, les délits de simple police. Des décisions de ce tribunal il peut être appelé devant une commission, composée de cinq membres, élus tous les trois mois. Une loi récente a limité un peu la compétence de ce tribunal de village. Les conseils communaux choisissent aussi des jurés qui font partie de la cour d’assises pour juger les accusés habitant leur commune. Dans tout notre Occident, au moyen âge, les échevins communaux exerçaient également des fonctions judiciaires. En Serbie, au-dessus des tribunaux locaux, s’étagent un tribunal de première instance par département, une cour d’appel et une cour de cassation. Cette organisation est empruntée à la France. Afin que tout marche d’une façon plus méthodique et plus uniforme, on veut étendre les pouvoirs de l’autorité centrale, au détriment de l’autonomie locale. C’est un progrès à rebours ; car, dans notre Occident, on s’accorde à constater les avantages de la décentralisation, et si l’on pouvait avoir la commune comme aux États-Unis ou en Serbie, on s’estimerait heureux.

Près de l’école, je remarque une construction en bois de forme étrange. C’est un gerbier en clayonnage, très long, élevé sur des pieux, à un mètre du sol, et recouvert d’un épais toit de chaume. « C’est là, me dit le roi, un de nos greniers d’abondance pour les temps de guerre. Encore une de nos vieilles coutumes. Chaque commune est tenue d’avoir un gerbier pareil, et tout chef de famille doit y verser, chaque année, 150 okas, soit environ 182 kilogrammes de maïs ou de blé. En temps ordinaire, nous avons