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prits vulgaires, les politiques infatués qui se figurent tout expliquer par les excitations dénigrantes ou par les captations de quelques partis hostiles, qui se plaisent à chercher les raisons de leurs défaites un peu partout, hormis en eux-mêmes, dans leurs fautes et dans leurs excès. La vraie raison, la raison essentielle du mouvement qui s’accomplit, qui vient de se dévoiler, elle est dans toute une situation qui ne date ni d’aujourd’hui ni d’hier, qui se développe par degrés depuis quelques années, et est arrivée dans ces derniers temps à un degré assez aigu pour que tout le monde en ait eu le sentiment plus ou moins vif.

Assurément, dans ces luttes confuses, souvent obscures, qui vont se dénouer par un scrutin, il peut y avoir des causes particulières, des faits particuliers qui décident du vote. Il n’est point douteux que la question du Tonkin, plus que toute autre, a eu son rôle dans les dernières élections, qu’elle a pu être une arme redoutable aux mains des partis ; elle a eu certainement son influence sur l’opinion, peu favorable aux expéditions lointaines, surtout aux expéditions mal conduites, et elle a donné plus d’un allié à l’opposition conservatrice. La question financière, elle aussi, a eu sans contredit son rôle ; elle a pesé sur la raison nationale, qui s’est émue de se trouver tout à coup en face des déficits, des emprunts illimités et des désordres budgétaires, qui a senti le danger d’une crise de finances ajoutée à une crise des industries, à une crise de l’agriculture. Dans certaines parties du pays, sinon dans le pays tout entier, le souvenir des querelles religieuses, des guerres aux croyances, des perpétuelles violences de secte a eu son effet et a sûrement entraîné bien des suffrages. Toutes ces questions, tous ces faits ont eu certainement leur part dans le dernier vote ; mais ils n’ont eu peut-être toute leur influence, une influence décisive, que parce qu’ils se sont trouvés réunis, parce qu’ils procèdent, on le sent, d’une même politique agitatrice et imprévoyante que les républicains ont prétendu inaugurer à leur arrivée au pouvoir, qu’ils ont obstinément poursuivie, qu’ils ont poussée à bout. Est-ce légèreté vaniteuse de dominateurs improvisés ? Est-ce inexpérience ou ignorance des affaires ? Est-ce entraînement de parti et de secte ? Toujours est-il que les républicains, depuis qu’ils sont au gouvernement, se sont fait cette politique qui se réduit à toucher à tout à la fois, à tout agiter sans mesure, sans ménagement pour les intérêts, pour les sentimens les plus inviolables. Ils se sont flattés de donner la popularité des grandes entreprises à la république, et ils se sont lancés dans ces expéditions lointaines qu’ils n’ont su ni préparer, ni conduire, ni laisser conduire, qui ne nous ont valu jusqu’ici que des mécomptes et des sacrifices sans compensation, qui laissent aujourd’hui le pays en face d’un avenir incertain. Ils ont cru s’illustrer et flatter un goût populaire en multipliant les travaux, en dépensant l’argent sans compter pour des écoles fastueuses, sous prétexte de fonder un enseignement