Page:Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 72.djvu/187

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

La régente semblait prisonnière à Namur et ne pouvait entrer à Bruxelles, qui tenait alors pour les Hollandais. L’archiduc Mathias, qui pendant quelque temps avait servi d’instrument au prince d’Orange, était tombé sous le mépris général et était reparti pour l’Allemagne. Les états hollandais, réunis à Anvers, avaient secoué ouvertement le joug du roi d’Espagne et appelé à leur aide François de Valois, duc d’Alençon. Le prince d’Orange ne partageait point l’entraînement qui poussait la noblesse du Brabant vers un fils de Catherine de Médicis. Il craignait que ce prince ne voulût livrer les provinces à la France ; certes, l’occasion était belle, l’anarchie des Pays-Bas semblait tout permettre ; mais la France n’avait plus de pilote et sa dynastie expirante ne pouvait suivre de longs desseins. L’histoire a été sévère pour le duc d’Alençon et pour son entreprise ; elle pourrait l’être aussi pour son frère, qui le désavoua et se fit contre lui le soutien de l’Espagne, dans un moment où les provinces belges se portaient tout naturellement vers la France. Le duc d’Alençon était au reste peu digne un rôle auquel il avait aspiré. Il se l’aligna vite des Pays-Bas et offrit lui-même au roi d’Espagne de les lui vendre pour 300,000 écus d’or et la souveraineté de Dunkerque et de Calais. Alençon essaya de mettre des garnisons françaises dans toutes les villes ; mais on sait que son entreprise échoua, et il fut bientôt, suivant le mot de d’Aubigné, « mocqué en France, en mespris aux Espagnols, en horreur aux états. »

Farnèse n’avait pu l’empêcher d’entrer dans les Pays-Bas, ni l’attirer à une bataille rangée, mais il avait pris Tournai, Audenarde, Cateau-Cambrésis, L’Écluse, Ninove, où son armée fut contrainte de manger des chevaux, d’où vint le mot « la faim de Ninove. » Il avait battu dans la Campine les Écossais, les Hollandais et les Français, commandés par le maréchal de Biron. Aussitôt que le duc d’Alençon fut sorti de Dunkerque pour retourner en France, il y vint mettre le siège, et en six jours il fit tomber la place et enleva Nieuport, Fumes, Dixmude, Menin et plusieurs petites places. Tournant ses efforts sur la Flandre, il prit Ypres après sept mois de siège, sentant bien que c’était le vrai moyen de ramener Gand et Bruges sous l’obéissance. Bruges lui ouvrit, en effet, ses portes, et il y entra triomphalement presque au même temps où la mort vint frapper à Château-Thierry, où il s’était retiré, François de Valois, qui, entré en Belgique comme un protecteur, en avait été chassé comme un tyran. Ce prince avait été duc de Brabant sans avoir vu Bruxelles. Biron, son lieutenant-général, ne pouvant se faire recevoir dans aucune ville de la Belgique, s’en retourna en France on prenant la route de la mer.