heureuse et qu’il se faisait fort de conserver la place. Il demandait seulement quelques renforts et quelques munitions. Farnèse lui envoya 800 hommes d’infanterie et ramena son armée en Picardie. Pendant que, pour complaire à Mayenne, dont il affecta pendant toute cette campagne de vouloir suivre les avis, il assiégeait la petite ville de Rue, près de l’embouchure de la Somme, Villars continuait à défendre Rouen ; mais il implora bientôt le secours qu’il avait d’abord refusé et marqua le 20 avril comme le terme au-delà duquel il ne pourrait plus tenir la ville. Farnèse résolut de marcher droit aux lignes de Biron ; le roi n’attendit pas l’attaque et, le 20 avril il leva le siège. Farnèse entra sans combat à Rouen et tout de suite il attaqua Caudebec ; il avait été malade pendant toute la campagne et, bien que très souffrant, il voulut aller lui-même avec l’ingénieur italien Properzio choisir l’emplacement des batteries, une balle vint le frapper au bras, entre le coude et l’épaule. L’hydropisie dont il souffrait l’avait mal préparé à supporter la douleur d’une blessure ; la fièvre le prit et il dut céder le commandement à Mayenne. La situation de son armée devenait critique ; il voulait reprendre le chemin de la Picardie, ne pouvant rester dans un pays épuisé. Les vaisseaux hollandais bloquaient l’embouchure de la Seine : Henri IV avec son armée était prêt à lui disputer le passage du fleuve, il n’y avait pas de temps à perdre, car l’armée affamée commençait à murmurer, Farnèse part pour Gaudebec, élève une redoute sur les bords du fleuve ; il en construit une autre sur la rive opposée ; dans chacune il met 800 de ses meilleurs soldats. Il ramasse tous les bateaux qu’il peut trouver et, dans la nuit du 22 au 23 mai, il fait passer toute l’infanterie et toute la cavalerie de l’autre côté de la Seine, sous la protection des deux forts. Il envoie toute l’artillerie, avec la cavalerie flamande, à Rouen, réunit tant bien que mal les arches du pont de la ville, qui étaient rompues, et réussit à faire passer les canons. Pendant ce temps, l’arrière-garde escarmouchait avec les troupes royales, et Henri IV n’apprit le passage que quand il était déjà terminé. Pour la seconde fois, le roi de France avait été vaincu par la stratégie du duc de Parme.
Farnèse alla passer quelques jours à Paris, donna de bons quartiers à son armée dans la Brie ; il avait secouru Rouen comme il avait, un an avant, secouru Paris ; tandis que ses contemporains exaltaient sa science militaire et le comparaient aux plus grands capitaines, il ne se faisait lui-même aucune illusion sur l’œuvre qu’il avait accomplie ; il ne s’était engagé que par obéissance dans une entreprise qu’il jugeait comme sans issue ; il devinait bien que les victoires de l’Espagne en France étaient condamnées à être stériles et que rien ne pourrait à la longue prévaloir contre Henri de