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qu’à la première épreuve. À Paris même, où ils ne pouvaient certes compter sur le succès, les candidats conservateurs sont passés de 92,000 à 110,000 voix. Que les républicains aient gardé ou reconquis à une dernière épreuve, comme on le prévoyait bien, la majorité numérique, ce n’est pas ce qui donne aux élections dernières leur caractère et leur importance. Ce qu’il y a de réellement significatif, c’est cette vérité certaine, évidente, positive, que, dans l’ensemble des élections, les conservateurs ont eu 3,600,000 voix contre 4,300,000 suffrages donnés aux républicains. Sur huit millions de votans, les conservateurs ont eu près de la moitié, et, d’un scrutin à l’autre, ils ont gagné près de deux cent mille voix. Voilà les faits, voilà la situation après le 18 comme après le 4 octobre. C’est le pays provisoirement partagé en deux camps presque égaux.

Reste une grande question qui, à vrai dire, se lie à cette situation même, qui en est inséparable : c’est la question de conduite pour les partis que la fortune de scrutin ramène au parlement dans des conditions toutes nouvelles. C’est là, en définitive, le fond de toutes ces polémiques, de tous ces discours par lesquels on s’efforce d’expliquer, d’interpréter les élections, au risque de les obscurcir le plus souvent, et c’est ici justement qu’on peut redire avec une vérité devenue plus saisissante que le succès, que l’avenir sera aux plus sages. Pour les conservateurs, s’ils sont clairvoyans, s’ils veulent rester de vrais conservateurs, il n’y a certes rien de plus simple que la conduite qu’ils ont à suivre dans des circonstances où, même en ayant reconquis des avantages, ils ne sont encore qu’une opposition. Cette conduite, elle est toute tracée d’avance par l’intérêt le plus évident du pays qui les a élus comme les mandataires de ses griefs. Oh ! sans doute, il y a toujours des esprits impétueux et irréfléchis qui ont plus d’ardeur de conviction que de mesure, qui sont persuadés qu’ils n’ont été envoyés au parlement que pour détruire la république, pour enlever de vive force une restauration monarchique. C’est avec ce genre de soldats que les causes se perdent assez souvent. Si on veut les suivre, la confusion sera bientôt dans le camp ; dès les premiers pas on se divisera, et tout ce qu’on a regagné de crédit, d’influence sur le pays ne tardera pas à être perdu de nouveau. Il y a certainement aussi parmi les élus d’hier bien des conservateurs plus calmes, sincèrement animés d’un esprit de prudence et de mesure, convaincus qu’ils n’ont pas reçu un mandat de passion et d’agitation. Ces conservateurs, et ils sont probablement eu plus grand nombre que les autres, sentent bien que ce qu’ils ont de mieux à faire, c’est d’éviter tout ce qui pourrait les diviser, de rester unis pour préserver de tous leurs efforts les intérêts publics de toute sorte compromis ou menacés par la politique de ces dernières années. Ils comprennent parfaitement qu’il y a « bien d’autres débats à engager avec les radicaux de la chambre que cens de la forme du gou-