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Thiriot avait été celui du roi de Prusse. » Et il ajoute : « J’ai vu quelques-uns de ces papiers, il y en a même d’imprimés : c’étaient le plus souvent des chroniques de scandale et de mensonge, de vrais sottisiers, des nouvelles d’antichambre ou de café. » Je suppose que La Harpe faisait une exception en faveur de l’une au moins de ces correspondances parisiennes. La duchesse de Saxe-Gotha recevait, depuis 1747, des lettres périodiques de Raynal, celles-là même que M. Tourneux vient de publier pour la première fois. Or Raynal n’était nullement le premier venu. Il est, dans tous les cas, l’une des physionomies du XVIIIe siècle. La nature lui avait malheureusement donné, avec la verve et la loquacité du Midi, le goût de la déclamation et de l’emphase ; le besoin fit de lui, en outre, pendant la plus grande partie de sa vie, un compilateur aux gages des libraires. Ce n’est que vers le tard qu’il arriva à la célébrité par l’Histoire des deux Indes, à la fortune par le commerce, ou, selon d’autres, par un intérêt dans la traite des nègres, à la modération des idées, enfin, par l’effroi que lui causa la révolution. Son intimité avec Rousseau. Grimm, Diderot, et tout ce jeune et brillant cercle de 1750 ou environ, doit suffire pour nous convaincre qu’il avait une valeur dont nous sommes devenus mauvais juges. Voltaire lui-même le recommandait en termes très chauds à Berlin au moment où d’Arnaud venait de laisser vacante la place de correspondant. « C’est un homme d’un âge mûr, écrit-il à Darget, très sage, très instruit, d’une probité reconnue, et qui est bien venu partout. Personne dans Paris n’est plus au fait de la littérature, depuis les in-folio des bénédictins jusqu’aux brochures du comte de Caylus ; il est capable de rendre un compte très exact de tout, et vous trouverez souvent ses extraits beaucoup meilleurs que les livres dont il parlera. Je puis vous assurer, monsieur, qu’il est de toute façon digne d’une pareille correspondance. »

Une correspondance qui a bien le droit de trouver sa place ici, puisqu’on l’a trouvée digne d’être publiée, est celle que Favart fournit, de 1760 à 1770, au comte de Durazzo, intendant des spectacles de la cour de Vienne. Favart s’était engagé à envoyer tous les quinze jours un courrier théâtral, auquel il joignait les paroles des nouveaux opéras comiques, des siens en particulier, afin qu’ils pussent être mis en musique et joués à Vienne en-concurrence avec Paris, De fait, le librettiste, dans cette espèce de chronique, ne s’est point borné au théâtre ; on y trouve les nouvelles littéraires, et même des pièces de vers et des anecdotes, absolument comme dans les autres correspondances.

Nous voici enfin arrivés à Grimm. Raynal, au dire de Meister, lui céda sa correspondance avec plusieurs cours du Nord et du Midi