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tout son cœur : il n’y a que des prêtres qui pourraient mettre en doute la pureté de ses intentions ; mais, au fond, tout cela n’est que du bavardage. Il faudrait mieux connaître, mieux approfondir le génie de l’homme quand on veut écrire sur ces matières, Les capucinades sur la vertu, et il y en a beaucoup dans le Système social, ne sont pas plus efficaces que les capucinades sur la pénitence et la macération, Incessamment nous aurons des capucins aînées comme des capucins chrétiens, et ces capucins alliées choisiront l’auteur du Système social pour leur père gardien, il nous faudrait aujourd’hui des têtes neuves ou des gens qui voulussent garder le silence. La vie est si courte pour la passer avec des bavards ! »

Pourquoi faut-il que le même écrivain qui s’exprime si sensément se soit donné le ridicule de tracer le programme d’une religion nouvelle, ou, pour mieux dire, d’une société future dans laquelle la religion serait remplacée par » le respect de soi-même ? » Il ne devait rien manquer à cette église de l’avenir, pas même les cérémonies, car les hommes ont besoin de solennités, voire d’enthousiasme, peut-être même de superstition. Seulement, ces solennités « consisteraient dans des hommages rendus à la vertu, dans la démonstration de respect pour l’homme de bien, dans la joie pure et auguste sur la sainteté des mœurs publiques. » Il est curieux de voir le philosophisme préluder au culte de la raison ! Grimm, pour sa part, y met tant de candeur qu’il a pensé aux enfans et esquissé à leur usage un catéchisme de l’humanité. Ce catéchisme a quinze articles, formulés en résolutions et en exclamations. L’Être suprême n’en est pas tout à fait absent. « O toi, qui règles ma destinée, lisons-nous aux dernières lignes, donne-moi beaucoup de devoirs à remplir afin que mon cœur ait beaucoup de sujets de satisfaction ! »

La Correspondance de Grimm excluait la politique au sens où nous t’entendons aujourd’hui ; on n’y trouvera point de commentaires sur les événemens publics. Il faut qu’ils deviennent bien graves et les préoccupations bien fortes, — au début de la guerre de sept ans, par exemple, — pour que l’écrivain en parle dans ses feuilles, et encore n’est-ce qu’en passant. Dans une autre acception du mot, comme théorie du gouvernement et matière administrative, la politique revient souvent, au contraire, sous la plume de Grimm. N’était-ce pas le thème de prédilection du XVIIIe siècle, le sujet d’une foule de livres et de brochures ? Grimm nous montre dans toute son activité le besoin fiévreux d’innovations qui aboutit à la révolution, le travail de critique qui s’attaquait à toutes les institutions, qui voulait simplifier les lots et l’administration de la