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Dérobant la moisson au bras qui la cultive,
Et dîmes et corvées et mainmorte et censive
Tout ce qu’ont entassé d’humiliations
De pillages, de vols, mille ans d’oppression.


Et plus loin :


Ainsi cette Circé qui nous prend tous les nôtres
A su t’ensorceler, Hoche, comme les autres,
Madame Tallien t’invite à ses banquets
Toi, républicain pur qu’on façonne au bon ton,
Tu mets ta noble main dans les mains scélérates
Des fripons enrichis et des aristocrates !


Il y a loin malheureusement de ce puritain de théâtre à l’original, et ce n’est pas précisément sous les traits d’une si rare vertu que nous apparaît Humbert dans ses rapports avec Muscar. Amoureux, sans doute, il l’était car il traînait toujours quelque femme à sa suite. Mais lion ! qu’on en juge :

Un jour, — c’était le 10 pluviôse an IV, — il arrive à Châteaubriant avec une colonne de 1,300 hommes, se dirigeant sur Moidon. Muscar, bien que n’étant pas sous ses ordres, se fait un devoir de l’accompagner « pour le bien de la chose publique. » Mais quel n’est pas son étonnement de s’apercevoir qu’au lieu de s’occuper de la rentrée des contributions, Humbert n’est venu dans son arrondissement que pour y faire une razzia de grains et de fers ! et que, cyniquement, celui-ci ne rougit pas de lui avouer qu’il s’est rendu acquéreur de ces marchandises à vil prix et « qu’il compte bien gagner dessus 50,000 francs en numéraire ! »

En effet, à quelque temps de là, n’ayant pu tout enlever d’un seul coup, le général revient et se met en devoir de reprendre le cours de ses opérations. Indigné, ne voulant pas, nous dit-il, se prêter plus longtemps à ce commerce honteux, Muscar lui refuse l’aide de sa colonne et de ses voitures. Là-dessus, grande colère d’Humbert, qui enjoint à son subordonné de se rendre immédiatement aux arrêts ; relus de celui-ci, ordre à la gendarmerie de l’empoigner, résistance de Muscar, qui fait assembler ses hommes et se retire avec eux au château : bref, un gros scandale et le plus déplorable conflit.

Qu’allait faire Hoche ? Le cas était embarrassant. Étouffer l’affaire ? Avec tout autre que Muscar, peut-être eût-ce été possible ; mais avec ce diable d’homme, adoré de ses soldats, soutenu par la municipalité, qui avait dressé procès-verbal contre Humbert et qui demandait, elle aussi, justice, il fallait, coûte que coûte, une solution. Muscar la réclamait bruyamment dans des lettres enflammées, presque éloquentes qu’il adressait à ses divers chefs et qu’il