soupçonneux, avait peur que sa fille ne lui fût renvoyée si elle ne plaisait pas. Douée de moins de charmes que sa sœur Jeanne, archiduchesse d’Autriche, que Henri VII avait vue à Calais, elle pouvait déplaire à la cour d’Angleterre, où le roi, disait-on ne voulait admettre que des beautés. Ferdinand avait donc prescrit que sa fille resterait voilée pour tous les yeux, même pour son futur beau-père et pour son fiancé, jusqu’au jour où le mariage serait consacré. Malgré les duègnes et les écuyers, Henri VII et son fils virent dès le premier jour le visage de la princesse, et ils laissèrent comprendre tout de suite qu’ils en étaient enchantés.
Le mariage eut lieu en novembre 1501, avec tant d’éclat que les Espagnols s’étonnèrent de trouver un tel luxe dans une île lointaine, qui était pour eux le bout du monde. Ferdinand et Isabelle, sans se préoccuper de l’extrême jeunesse des deux époux, avaient recommandé au roi d’Angleterre de ne jamais les séparer. Ils avaient hâte que leur fille eût des enfans. Leur seul héritier jusqu’alors, leur unique petit-fils, était Charles, fils de l’archiduchesse Jeanne, celui qui fut plus tard Charles-Quint, et c’était peu pour les nombreux royaumes qu’ils comptaient laisser à leur descendance. Mais le prince de Galles était chétif ; son père l’avait envoyé au château de Ludlow, dans le pays de Galles ; il y mourut cinq mois après son mariage. L’infante Catherine restait veuve en pays étranger, au milieu de gens dont les mœurs et la langue lui étaient inconnues.
C’était un rude échec pour les deux souverains de l’Espagne. Non pas qu’ils plaignissent beaucoup le sort de leur fille : ils l’avaient déjà sacrifiée à leur politique. Cette mort prématurée dérangeait toutes leurs combinaisons. Ils n’en voyaient qu’une conséquence : douairière du prince de Galles, Catherine ne serait jamais reine et n’aurait aucune influence sur ceux qui gouverneraient l’Angleterre, Plus que jamais. Ferdinand avait besoin d’être soutenu par l’Angleterre ; le roi de France, Louis XII, lui disputait alors le royaume de Naples ; le pape était favorable aux Français ; l’Allemagne voulait rester neutre. Henri VII continuait de recevoir un subside annuel de 50,000 écus du roi de France, qui, pour mieux se l’attacher, proposait de marier le nouveau prince de Galles, Henri, à la princesse Marguerite, sœur du duc d’Angoulême. Ferdinand et Isabelle se dirent que le seul moyen de reprendre une situation prépondérante à Londres était de marier une seconde fois leur fille dans la famille des Tudors, au jeune prince Henri, frère de celui qui venait de mourir. Mais la parenté ou l’alliance était en ces temps un obstacle absolu au mariage d’après la loi canonique. On prétendait bien, en Espagne, que le pape avait tout pouvoir de lever la prohibition. Les docteurs anglais, moins disposés à admettre les prérogatives du saint-siège, soutenaient que la défense était d’ordre