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Serquigny, qui veut tourner à son bénéfice le dépit d’Angèle ; sur-le-champ, il le provoque, elle s’étonne de sa bravoure ; redevenue femme, elle s’émerveille de le retrouver homme : « Vous irez vous battre ? lui dit-elle. — Oui. — Et vous n’aurez pas peur ? — Si ! » fait-il résolument, et il ajoute : « Mais quand on n’a pas peur.., où est le courage ? .. » L’affaire s’arrange, — est-il besoin de le dire ? — entre Alfred et Serquigny ; et de même entre Alfred et Angèle. « Tu feras ôter la sonnette de nuit ? demande-il. — Bêta ! répond-elle, c’est déjà fait. » Chacun, dans le ménage, a repris sa place ; la pyramide — d’abord posée plaisamment sur sa pointe, — après une oscillation plaisanie, est remise sur sa base.

On aperçoit assez par où cette farce touche à la comédie et comment l’esprit y peut trouver un emploi ; on devine aussi qu’une jovialité laborieuse peut s’y carrer, et que la trivialité peut s’y faire jour il est regrettable que l’exécution grossière d’une certaine scène au premier acte, l’ait fait supprimer après une soirée ; dans le défilé des malades qui se présentaient à la consultation, une dame arrivait et quand elle apprenait du valet de chambre que le docteur Frontignan était une femme : « Une femme ! S’écriait-elle. Jamais je n’oserai ! » Elle faisait mine de s’enfuir. Le trait, à coup sûr, était plaisant ; il semblait un paradoxe ingénieux et pouvait bien, toutefois, être pris de la nature ; il est fâcheux que la suite l’ait compromis.

Mlle Marie Magnier prête à la doctoresse l’autorité comique et la violence qu’il faut, tempérées, comme il convient, par l’agrément de sa personne ; M. Noblet joue Alfred avec une drôlerie minutieuse et nette ; Mlle Desclauzas donne à la géante sa physionomie fantasque et réjouie ; Mlles Darlaud, Metty et Pierval, MM. Lagrange et Numès méritent au moins d’être nommés, la Doctoresse, avec ces aides, pourrait, pendant quelque temps, être en vogue.

C’est encore une crise de ménage, et même une double crise (les deux ménages, tel serait facilement le sous-titre), qui fait le fond de la pièce de M. Paiileron, l’Age ingrat, applaudie, voilà bientôt sept ans au Gymnase, et aujourd’hui transportée au Vaudeville. L’âge ingrat au sens de l’auteur, c’est « l’âge critique des hommes ; » l’âge où « l’homme encore jeune, » quel que soit le nombre de ses années « n’est plus un jeune homme ; .. où les uns, las d’aventures, cherchent le repos, et les autres, las du repos, cherchent aventure. » Exemple de la première espèce : M. de Sauves, officier de cavalerie, « marié trop tard à une femme trop jeune,.. puits amoureux feu des autres femmes et séparé pour ce fait, aujourd’hui amoureux fou de la sienne… » Exemple de l’autre : « Fondreton, Marius, ancien fort en thème, » archiviste paléographe « marié trop tôt, celui-là, » marié à la marraine de Mme de Sauves, — et dont « la jeunesse tardive éclate comme la rieur de l’aloës, » avec un bruit de pétard. A côté de ces deux ménages,