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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.



14 novembre.

Depuis longtemps, certes, une session des assemblées françaises ne s’était ouverte dans des conditions à la fois plus sérieuses et mieux faites pour piquer la curiosité. Ce n’est point que cette inauguration d’un parlement nouveau et d’une législature qui s’est accomplie il y a cinq jours ait été accompagnée de circonstances particulièrement intéressantes ou dramatiques, Tout s’est passé, au contraire, dans ce jour réputé solennel, aussi simplement et même aussi vulgairement que possible.

Nos chambres sont rentrées dans leurs palais respectifs sans appareil et sans cérémonie. Le sénat s’est retrouvé au Luxembourg pour se donner aussitôt quelques jours de repos ou de répit en attendant les événemens. Les hôtes nouveaux que le suffrage universel a envoyés au Palais-Bourbon sont allés tranquillement prendre leur place et se faire reconnaître. C’est une entrée en scène sans éclat ; mais il n’y a point à se méprendre à ce début encore indécis d’une législature, à ce calme apparent et momentané de la vie parlementaire renaissante. On sent bien qu’il y a de l’inconnu dans la situation nouvelle où nous entrons, que les circonstances ne sont plus ce qu’elles étaient lorsque les chambres se sont séparées cet été, que, depuis trois mois, il s’est passé quelque chose d’assez sérieux en France. Ce qui s’est passé, on le sait bien, c’est qu’il y a eu un de ces mouvemens d’opinion qui, au premier instant, peuvent ressembler à une surprise et qui ne produisent tous leurs effets que graduellement, qui s’imposent bon gré, mal gré, à ceux-là mêmes qui les nient ou qui essaient d’en éluder la puissance. Ce qui s’est passé, c’est qu’il s’est révélé dans le pays une force d’instinct public avec laquelle il faut compter, c’est qu’il y a eu le désaveu d’une