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exemples, par leurs exhortations, à rendre moins difficile la tâche du comité. Le blasphème, à côté des délits de tout genre que le patron d’une galère a charge de réprimer, nous paraîtra sans doute aujourd’hui une offense bien légère : si vous réfléchissez que cet outrage à la majesté divine est presque toujours un turbulent et grossier défi porté à l’autorité du chef, vous vous étonnerez moins du châtiment rigoureux que la loi pénale du XVe et du XVIe siècles lui infligeait.


IV

« Le 9 ou le 10 septembre, avait écrit don Juan à Toledo, s’il plaît à Dieu, je partirai. » Le 8 septembre eut lieu la revue générale : plus de 300 navires, montés par 80,000 hommes, se trouvaient réunis dans la darse de Messine. Le roi catholique, pour sa part, en avait envoyé 164 : 24 naves, 50 frégates ou brigantins, 90 galères. L’Espagne eût été impuissante à fournir à elle seule un pareil contingent : Naples, la Sicile, Malte, Gênes, la Savoie, sans compter les arméniens particuliers, mettant leurs vaisseaux à la solde de Philippe II, lui étaient venus en aide. L’étendard royal flottait ainsi à bord de 14 galères d’Espagne, de 30 galères de Naples, 10 de Sicile, 3 de Malte, 3 de Gênes, 6 du duc de Savoie ; 11, propriété privée de Jean-André Doria ; 13, appartenant à Pietro-Bautista Lomellino, à Giovanni Ambrogio di Negrone, à Giorgio Grimaldi, à Stefano dei Mari, à Bendinello Sauli. L’escadre pontificale présentait 12 galères et 6 frégates ; l’escadre vénitienne, 106 Galères, 6 galéasses, 2 naves et 20 frégates. L’infanterie embarquée se composait de 30,000 hommes : 20,000 payés par le roi, 5,000 soldés par la république de Venise, 2,000 à la charge du pape et 3,000 volontaires servant à leurs frais. Ce chiffre de 30,000 hommes se trouva, par le fait, réduit à 29,000, car on reconnut, au dernier moment, la nécessité de laisser à Messine un millier de soldats malades, Allemands pour la plupart.

Tout était prêt pour mettre à la voile. Don Juan résolut de tenir un dernier conseil : 70 personnes, dont 30 officiers, y furent admises. Les objections, les avis négatifs, — on devait s’y attendre, — ne faillirent pas à cette nouvelle assemblée. « La saison est bien avancée, disaient les uns. — Nous manquons de soldats et de vivres, ajoutaient les autres. — Ce n’est pas sur mer qu’il faut attaquer les Turcs, prétendaient quelques généraux ; car sur mer, on le sait, les Turcs sont invincibles. Que n’allons-nous plutôt reprendre Tunis ! » Le nonce, par bonheur, avait déjà pris soin de fortifier le parti de l’action par ses discours : le terrain, grâce à lui, était bien