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deux princesses, on les doterait et elles s’établiraient ailleurs. Il s’agit seulement d’empêcher, s’il en est encore temps, que Louise ne reçoive la confirmation dans l’égKse luthérienne, « parce que les protestans ne deviennent opiniâtres que depuis ce moment, et jusque-là ils ont le choix de leur croyance ; ce serait une facilité de plus. » Ce nouveau projet n’était pas destiné à mieux réussir que les précédens. Les rapports du baron d’Assebourg ne furent rien moins que favorables. Sauf les convenances d’âge, tout parlait contre la malheureuse princesse ; elle avait enlaidi depuis deux ans que l’on avait d’abord pensé à elle, et pris un embonpoint démesuré ; bien élevée, dans un milieu décent et modeste, elle n’a pourtant reçu qu’une éducation provinciale. Sa mère, d’ailleurs, redoute plutôt l’élévation dont il est question pour sa fille et regarderait un changement de religion comme une tache. Conclusion : « Ne pensez plus à la princesse de Saxe-Gotha, écrit Catherine à son émissaire ; elle est précisément telle qu’il faudrait pour nous déplaire ; la douceur de son esprit réparerait difficilement les autres désagrémens d’une pareille alliance. »

C’est à ce moment, et après tant d’insuccès, qu’on songea enfin à la cour de Darmstadt. Mais ici encore, que de difficultés ! Le landgrave, esprit bizarre, humeur sombre ; une quantité d’enfans ; des trois filles qui restent à marier, la plus âgée a pour elle les éloges de Frédéric : piètre recommandation aux yeux de Catherine. « Je sais comme il les choisit, dit-elle, et comme il les lui faut, et difficilement ce qui est de son goût nous accommoderait. Pour lui les plus sottes sont les meilleures, j’en ai vu et connu de son choix. » La seconde fille, Wilhelmine, est assortie quant à l’âge ; elle a de plus pour elle la figure, l’esprit, l’éducation ; elle réunirait tout si le caractère répondait au reste. À cet égard, malheureusement, les rapports varient ; les uns lui attribuent toutes les vertus et tous les charmes, les autres lui reprochent de l’emportement ; elle est violente, dit-on, ne peut cacher ses sentimens lorsqu’on lui parle de personnes qui lui déplaisent, et ne sait, dans ces momens d’humeur, ménager ses expressions. Ces critiques sont parvenues jusqu’à Grimm, qui s’en indigne. « Être calomniée si jeune, s’écrie-t-il, cela promet ! » D’Assebourg, lui-même, demande du temps pour observer, interroger, compléter son enquête. « Il ne suffira pas de voir la princesse et de lui parler pour l’approfondir ; il faudra la connaître encore par le rapport de gens véridiques, qui la voient familièrement et la connaissent dans sa vie privée. » Les choses vont ainsi encore pendant un an, au grand ennui de Grimm. Il se dépeint séchant sur pied d’impatience, mourant d’envie, écrit-il, de savoir s’il doit se ruiner en lampions et en fusées. Catherine, de son côté, tout occupée qu’elle soit de ses victoires sur les Turcs et de ses intrigues en Pologne, finit par