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crayonné ce dessin est de moins haut vol que François Clouet : celui-ci est encore de la race des vieux maîtres, qui furent par excellence les peintres du sentiment ; celui-là fait particulièrement appel à la sensation, appartient tout entier déjà aux générations nouvelles, semble même en avance sur son temps de plus d’un siècle. On a, presque jusqu’à nos jours, confondu ces différens peintres et dessinateurs, et, de tous, on n’en a fait qu’un seul. Il est temps que cette confusion cesse. Il faut dégager François Clouet de tous les faux Jehannet qui forment ses alentours. Quelques-uns de ces usurpateurs sont des artistes presque de premier ordre, témoin celui qui a dessiné Marie Touchet. Raison de plus pour ne pas leur donner un nom qui ne leur appartient pas.


Le plus célèbre des portraitistes français du XVIe siècle vient de se montrer à nous comme un des auxiliaires essentiels de l’histoire, et l’histoire vient d’intervenir pour donner aux œuvres de cet artiste le relief et la signification qui leur conviennent. C’est ce double courant qui nous a porté d’un bout à l’autre de cette étude. Quelques pages de l’histoire de France et de l’histoire de la peinture française se sont ainsi mêlées dans un même chapitre. Les portraits de Charles IX et d’Elisabeth d’Autriche par François Clouet ont fait revivre devant nous deux personnages importuns de notre histoire et nous ont donné en même temps le point fixe d’où l’on peut partir désormais pour aller d’un pas sûr à la recherche des autres œuvres (peintures ou dessins) de ce maître. S’il nous a fallu aller à Vienne pour y chercher notre première information, c’est à Paris même, au Musée du Louvre et à la Bibliothèque nationale, que se sont trouvées les pièces principales de cette enquête. Nos lecteurs peuvent facilement nous y suivre. Quelques-uns d’entre eux, peut-être verront pour la première fois des chefs-d’œuvre qu’ils nous sauront gré de leur avoir indiqués. Les autres, en revoyant ces admirables portraits, les regarderont sans doute d’un œil plus attentif et mieux exercé. Tous enfin, désormais, se trouvant en possession du signalement de François Clouet, nous aideront à le retrouver partout où il se rencontrera, et, grâce au bon vouloir de chacun, nous pourrons peut-être un jour dresser le catalogue d’une œuvre qui fait partie du patrimoine de la France.


A. GRUYER.