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Mourounsang, et signifia au commandant hova qu’il eût désormais à s’abstenir de toute hostilité contre les habitans de Nossi-Bé, attendu qu’ils venaient de réclamer la protection de la France. Il est permis de croire que cette démonstration ne resta pas sans effet sur les Hovas, car ils ne firent depuis aucune tentative sur l’île, Après être allé à la Réunion rendre compte au gouverneur des dispositions dans lesquelles il avait trouvé les débris de la population du Bouéni, et prendre ses instructions, M. Passot, à son retour, trouva les Sakalaves aussi inquiets que par le passé, et dans les mêmes intentions qu’ils lui avaient déjà manifestées. Leur dernière démarche près de l’iman de Masrate n’avait en aucun résultat, et ce prince persistant dans l’attitude irrésolue et expectante dans laquelle il se renfermait, les chefs sukalaves, sans se croire liés par les engagemens qu’ils avaient pris avec lui, se décidèrent à passer, le 14 juillet 1840, avec M. Passot, représentant le gouvernement de Bourbon, une convention par laquelle Tsiouméik et ses premiers chefs réunis autour d’elle cédaient leur territoire à la France, et se reconnaissaient dès lors sujets du roi des Français. Quelque temps après, Tsimiare, qui était réfugié sur l’île Nossi-Mitsiou, concluait avec le capitaine Passot une convention analogue, par laquelle il déclarait céder également au roi des français tous ses droits sur le royaume d’Ankara et îles dépendantes. Ces conventions furent ratifiées par le gouvernement métropolitain, et le 5 mai 1841, l’acte de prise de possession de l’île de Nossi-Bé et des îles adjacentes fut consommé avec le cérémonial d’usage.

La France est-elle fondée à puiser dans les termes de ces conventions un titre suffisant pour justifier et légitimer les revendications qu’elle exerce en ce moment à l’encontre des Hovas sur la côte nord-ouest de Madagascar ? La solution de cette question ne laisse pas que de présenter quelques difficultés, puisqu’il ressort du récit que nous venons de faire que les chefs sakalaves réfugiés à Nossi-Bé étaient actuellement dépossédés des parties de la terre ferme dont ils nous faisaient la cession, circonstance dont on pourrait peut-être arguer pour contester la validité de nos droits. Au surplus, les gouvernemens qui ont précédé celui qui nous régit actuellement se sont maintenus à cet égard dans une attitude d’abstention complète, soit qu’ils eussent quelques doutes sur la validité d’une cession faite dans de semblables conditions, soit qu’ils eussent jugé que le territoire en question ne valait pas la peine de nous engager dans une lutte armée contre les Hovas.

Le gouvernement de juillet, quelque temps après la prise de possession de Nossi-Bé, s’expliqua nettement, par l’organe de M. Guizot, alors président du conseil des ministres, sur les projets qu’on lui prêtait sur Madagascar, et répudia toute pensée de conquête dans