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cette île : « Je suis convaincu, disait M. Guizot, que la France ferait, passez-moi le mot, une folie, en essayant de renouveler de grands établissemens coloniaux à Madagascar… Nous n’avons aucun dessein de nous servir de Nossi-Bé pour rentrer dans l’île de Madagascar… Certainement, tant qu’il me sera donné d’avoir quelque influence dans les conseils de la couronne et de mon pays, je m’opposerai de toutes mes forces à ce que nous nous laissions attirer et compromettre dans les affaires et les luttes de la Grande-Terre. » Le gouvernement impérial suivit la même ligne de conduite que la monarchie de juillet, et se refusa toujours à intervenir activement dans les affaires de Madagascar. Un grave événement accompagné de tragiques circonstances, et survenu en 1856, sur un point de la Grande-Terre voisin de notre colonie de Nossi-Bé, vint démontrer jusqu’à l’évidence que le gouvernement impérial ne croyait pas plus que le gouvernement du roi Louis-Philippe devoir se prévaloir, à l’encontre des Hovas, de la cession de 1840, en ce qui touche la partie du littoral de la grande île comprise dans cette cession.

Une maison de commerce française de l’île Maurice avait jugé à propos de fonder un établissement dans la baie de Bavatoubé en vue de tirer parti des bois propres aux constructions navales que produisent les forêts de ce pays, ainsi que pour exploiter des mines de houille, dont des gisemens avaient été reconnus dans le voisinage. La direction de cette entreprise avait été confiée à M. d’Arvoy, ancien consul de France à Port-Louis, qui, pour se mettre à l’abri d’un coup de main de la part des maraudeurs indigènes, plutôt que pour se défendre contre une attaque des Hovas, crut prudent d’armer les deux cents travailleurs employés à son exploitation, et de placer en batterie autour de son habitation quelques pièces de canon qu’il s’était fait envoyer par sa maison, ou qui lui avaient été fournies par un brick de guerre français stationnant dans le voisinage. Dans le courant de l’année 1856, des messages de la reine Ranavalo enjoignaient à M. d’Arvoy d’avoir à se retirer, par le motif que les ordonnances de la reine interdisaient aux Européens de s’établir sur les points de l’île dépourvus d’un poste militaire ; les messages ajoutaient qu’en cas de refus de sa part, il y serait contraint par la force. M. Lambert, un des chefs de sa maison, alors à Tamatave, l’informait de son côté de la violente irritation ressentie par le gouvernement hova, à la nouvelle qu’un blanc avait osé, sans être muni d’une autorisation préalable, s’établir sur un point du domaine de la reine, et l’engageait à se mettre, lui et les siens, en sûreté, au moins jusqu’à ce que le danger présent fût écarté. Enfin, en même temps, le commandant français de Nossi-Bé, qui avait reçu confidentiellement avis des préparatifs d’agression des Hovas, se transporta de sa personne à Bavatoubé