furent vaines ! — Ainsi se heurtent les opinions adverses, et Duncan, tandis que ses camarades écoutent l’office, ne peut que se lamenter éloquemment et apostropher les aïeux.
Mais voici venir ceux que le poète a élus pour figurer la nation, la patrie écossaise : Angus, vieillard aveugle et mendiant, c’est le peuple de ce pays, misérable, infirme et près de finir, mais courageux, et, jusqu’à sa dernière heure, espérant de venger sa défaite et de rétablir ses droits ; de même, lord Fingall, qui paraîtra tout à l’heure, c’est la noblesse, moins fournie d’illusions mais aussi vaillante que le peuple, et plus dévouée même, l’étant jusqu’au chevaleresque oubli des injures ; Marie, la petite-fille d’Angus qui le soutient et le guide, c’est l’Écosse elle-même, chastement éprise de son prince, comme de son honneur visible, et destinée à périr pour lui. Ces personnages n’attendent guère pour nous déclarer leur caractère mystique ; ils vivent pourtant chacun de sa vie propre ; ce ne sont pas des êtres qui marchent, mais des hommes et une jeune fille qui ont une mission. Écoutez plutôt Angus :
Lorsque l’aveugle entend quelque clocher qui vibre,
Il va là, répétant : L’Écosse n’est pas libre !
Et ses affreux haillons, et ses tristes yeux morts,
Au cœur des oublieux font naître les remords.
C’est là ma mission, c’est le devoir de celle
Dont l’humble main conduit l’infirme qui chancelle.
Ô vous, qui, plus heureux que moi, pouvez la voir,
Cette fière et candide enfant, toute au devoir,
Dont le malheur a fait le courage précoce,
N’est-elle pas la chère image de l’Écosse ?
Marie ! Elle a le nom d’une Stuart ; elle est
Catholique comme elle, et dit son chapelet ;
Mais il est tout entier fait des balles de guerre
Dont furent fusillés ses oncles et son père.
Moi-même, je les vins ramasser sur le lieu
Du massacre, et l’enfant, le soir, en priant Dieu,
Touche ces plombs rouillés du sang de sa famille.
Voilà quels sont l’aïeul et sa petite-fille.
La petite-fille elle-même, écoutez-la, quand, avec un sourire extatique de visionnaire, elle raconte, et revoit en la racontant, l’apparition de Charles-Édouard sur le rivage :
Depuis que je l’ai vu sourire
Et marcher dans l’écume, avec un air vainqueur,
C’est comme un fruit divin qui se fond dans mon cœur !
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Oui, vraiment, un cœur palpite sous ces haillons, qui sont bien « la robe même de la patrie. » Pour enfermer l’idée dans cette forme transparente, et pour faire que cette forme vécût, il fallait un poète, au sens complet du mot, c’est-à-dire, autant qu’un métaphysicien, un