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navigation de trois mois, à Timor (Inde hollandaise), et porta lui-même en Angleterre la nouvelle de la révolte. Un cri d’indignation s’éleva de tous côtés. Une rébellion victorieuse à bord d’un bâtiment de guerre était chose inouïe et d’un dangereux exemple. Cependant, les émeutiers retournèrent à Tahiti, s’y pourvurent de femmes indigènes et reprirent la mer. Pendant une série d’années, on n’en eut aucune nouvelle, et on pensait que l’océan avait fait justice de ces criminels, lorsqu’au 1808 un navigateur, jeté sur la côte d’un rocher isolé situé à 25 degrés de latitude sud, y trouva un vieux matelot, du nom d’Adams, avec plusieurs femmes et plusieurs enfans : les veuves et descendans des émeutiers du Bounty. Tous les autres avaient péri dans des luttes entre eux. Les premières nouvelles authentiques qu’on eut de ces insulaires sont dues au capitaine Beaky, de la marine royale, qui visite l’île de Pitcairn en 1825, Le matelot Adams vivait encore. Ce rebelle tyran et homicide était devenu un patriarche et un saint. L’égalité et la fraternité, sinon la liberté, la paix et la prospérité, régnaient dans celle île, véritable Éden, où le crime était inconnu. En Angleterre, ces récits si brillans enflammèrent les imaginations ; les coteries philanthropiques organisèrent des collectes et firent des insulaires leurs pensionnaires. Grâce à ces secours, qui ne cessaient d’affluer, la population augmenta rapidement, si bien qu’en moins de vingt ans l’île n’offrait plus assez d’espace ni de terrain cultivable pour la nourrir. C’est alors que, cédant à la pression de ce courant de l’opinion, le gouvernement anglais assigna aux Pitcairniens l’île de Norfolk et les y transporta à ses frais. À cette époque, un homme remarquable se trouvait à la tête de la petite communauté. Écossais de naissance, sorti des rangs du peuple, H. Nobbs dut aux hasards de la mer d’aborder à l’île de Pitcairn, où il devint, après la mort d’Adams, le principal personnage. Il existe encore, très âgé, et, jusqu’à la u née dernière, il a exercé les fonctions de chapelain à la mission mélanésienne de l’évêque anglican de l’île de Norfolk,

L’exode eut lieu en 1856. Le gouvernement anglais, après avoir transporté toute la population (environ 200 personnes) à leur nouvelle patrie, leur octroya l’île, les deux grands édifices de l’état, des troupeaux de moulons, quelques chevaux et les ustensiles nécessaires pour cultiver la terre, en leur faisant comprendre que dorénavant les subventions du gouvernement et les donations périodiques des particuliers seraient supprimées, et que, par conséquent, ils avaient à se considérer non plus comme des pensionnaires, mais comme des colons.

Le gouverneur de la Nouvelle-Galles fut nommé gouverneur de l’île, qui, cependant, ne fut pas annexée aux colonies australiennes.